Les problèmes s'accumulent en Irak pour George W. Bush à sept mois des élections présidentielles : la violence s'étend, les pertes américaines augmentent et la stratégie de la Maison-Blanche est de plus en plus contestée. Le président américain se dit déterminé à transférer le pouvoir aux Irakiens le 30 juin comme prévu, mais la question est de savoir qui pourra prendre le relais dans un tel chaos. Chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles pour Washington, suscitant des doutes sur la politique de la Maison-Blanche jusque dans les rangs républicains. Mars s'est classé au deuxième rang des mois les plus meurtriers pour les forces américaines depuis que M. Bush a déclaré la fin des combats de grande ampleur l'an dernier. Et avril a commencé sous de sombres auspices avec les combats les plus violents depuis la fin officielle de la guerre. Les Américains, déjà harcelés par la guérilla sunnite, se heurtent désormais aux partisans chiites du jeune chef radical Moqtada al-Sadr. L'ouverture d'un deuxième "front" en Irak contredit les affirmations optimistes de M. Bush. Le président américain a fait de l'Irak un élément-clé de sa guerre contre le terrorisme, qui est un thème majeur de sa campagne électorale, et la dégradation de la situation affecte sa popularité. Un sondage réalisé après la mort de quatre civils américains tués et mutilés à Falloujah la semaine dernière montre que les Américains ne sont plus que 40% à approuver la manière dont M. Bush gère le dossier irakien, alors qu'ils étaient environ 75% il y a un an. "Ils sont préoccupés par le chaos, la violence et le coût en vies humaines et en dollars", commente Thomas Mann, un expert de la Brookings Institution. La clé de voûte de la stratégie de M. Bush en Irak est le transfert de la souveraineté à un gouvernement intérimaire irakien prévu le 30 juin. A quelques mois des présidentielles, le chef de la Maison-Blanche veut montrer que la situation s'améliore avec le processus de démocratisation et que les Etats-Unis vont ainsi pouvoir réduire leur engagement sur place. La détermination affichée par M. Bush n'empêche pas des dissonances dans son camp. Le sénateur républicain Richard Lugar, président de la Commission des Affaires étrangères au Sénat, a suggéré de repousser la date du transfert du pouvoir, estimant que l'Irak ne serait peut-être pas prêt à s'administrer le 30 juin. Le sénateur démocrate John Kerry, grand rival de M. Bush pour les présidentielles du 2 novembre, estime que "l'échéance du 30 juin est une fiction". L'administration Bush "n'aurait jamais dû fixer une date butoir arbitraire, qui a été très certainement influencée par le calendrier électoral aux Etats-Unis", affirmait-il mardi. M. Kerry craint que la Maison-Blanche ne soit déterminée à transférer le pouvoir "aussi vite que possible sans considération pour la stabilité de l'Irak". Alors que les combats s'intensifient, les observateurs évoquent l'envoi possible de renforts. Il y a actuellement 135.000 Américains en Irak tandis que la coalition de près de 40 pays réunie péniblement par Washington n'a envoyé que 24.000 militaires. Le Pentagone tente depuis plusieurs mois d'obtenir le déploiement de davantage de contingents étrangers pour alléger le travail des troupes américaines, mais sans grand succès. Bien au contraire, les Espagnols devraient plier bagage d'ici la fin juin et ils pourraient ne pas être les seuls. M. Bush pourrait ainsi être contraint de prendre la décision politiquement impopulaire de rappeler encore plus de réservistes, qui sont déjà mobilisés à un niveau sans précédent à cause de la guerre en Irak et de la lutte contre le terrorisme. Une autre solution serait de renvoyer sur place des soldats qui ont déjà servi à Bagdad. Mais une telle décision pourrait conduire beaucoup de GIs rentrés au pays à retourner à la vie civile pour éviter d'être mobilisés.