Mokhtar Chaoui vient de publier «Le Silence blanc» aux éditions Salina. Pour le choix de l'enfance dans son dernier roman, il dit d'abord se sentir comme un enfant de cinquante ans qui refuse de grandir. Comme Choumicha, l'héroïne de «Le Silence blanc», ne veut pas passer à la phase adulte, où les gens incarnent, à ses yeux, le mal. L'écrivain tangérois a voulu ainsi donner la parole aux oubliés de notre société. «C'est ce qui explique, littérairement parlant, que je me suis effacé devant la petite Choumicha et lui ai cédé la narration de sa propre histoire, en utilisant la langue et l'imaginaire des enfants», confie-t-il. Pour aborder le thème de «Le Silence blanc», Mokhtar Chaoui a eu, d'un autre côté, envie d'aller au plus profond de la psychologie d'une enfant, de la comprendre et de transmettre au lecteur le monde de l'enfance sacrifiée, avec ses émerveillements, ses interrogations, ses désillusions et ses espérances. Ce thème s'est, en quelque sorte, imposé à l'écrivain, suite à la mort, en 2009, de 33 enfants d'Anfgou, situé dans le Haut-Atlas. «Des images et des témoignages de mômes frigorifiés m'ont tellement touché, voire hanté, pendant des mois qu'il m'a fallu en parler dans mes trois derniers livres, notamment dans «Le Silence blanc», souligne-t-il. «Le Silence blanc» répond, à cet effet, à deux finalités. La première est morale et consiste à attirer l'attention des responsables sur le drame des enfants délaissés, vendus, violés. «Surtout ceux qui vivent dans les contrées lointaines et qui ne connaissent rien de l'enfance. Puisqu'ils deviennent vite des adultes, les garçons en travaillant dans les champs et les jeunes filles, à peine pubères, qu'on marie souvent à des vieux ou qu'on «vend» comme petites bonnes, corvéables à souhait, à la merci des caprices les plus vicieux de leurs maîtres», poursuit-il. La deuxième finalité de ce nouveau roman est d'ordre esthétique. «Elle consiste à rappeler aux artistes que pour rester créatif, il ne faut jamais tuer en nous l'enfant qu'on avait été. Car rester enfant dans son âme, c'est garder l'éblouissement des sens, condition sine qua non à toute créativité», poursuit-il. Outre «Le Silence blanc», Mokhtar Chaoui a consacré certains de ses autres écrits au même thème de l'enfance défavorisée. «Dans «Moi, Ramsès le chat…», j'avais déjà consacré au même sujet (le drame d'Anfgou) une chronique intitulée «Silence, ça meurt !». Et dans «Les Chrysanthèmes du désert», j'ai récidivé avec une nouvelle qui porte le même titre, mais ça n'a pas suffi. Le sujet m'habitait encore et je sentais qu'il exigeait de moi plus d'attention, plus d'approfondissement et que je lui consacre un vrai roman. C'est ce que j'ai fait avec «Le Silence blanc», conclut-il.