Inauguré le 27 mars 2015 à Rabat, l'Institut Mohammed VI de formation des imams, des prédicateurs et des prédicatrices est en train de devenir, selon beaucoup d'observateurs : «un rempart contre toutes les idées déviantes, extrémistes et étrangères à la religion et une véritable alternative à l'approche purement sécuritaire». ALM s'est rendu sur place pour voir de près cet établissement qui a gagné rapidement en notoriété à l'échelle internationale. Pour ceux qui ne le connaissent pas, sachez que l'Institut est situé à Madinat Al Irfane. Comme son nom l'indique, il dispense des formations aux imams, prédicateurs et prédicatrices en mettant l'accent essentiellement sur l'orientation religieuse, «de sorte à assurer aux lauréats la maîtrise des méthodes et du savoir leur permettant d'exercer les missions qui leur incombent», ne manque-t-on pas d'indiquer auprès de l'Institut. Ainsi bénéficient de cette formation des étudiants de différents pays, qu'ils soient du Mali, de Tunisie, de Guinée-Conakry, de Côte d'Ivoire, de France, de Belgique et de bien d'autres nations. «Des étudiants, qui, toutes nationalités confondues, cherchent à préserver le référent identitaire religieux du monde arabe et musulman», nous affirme-t-on à l'institut. D'une capacité de 1.000 places, l'établissement accueille déjà 700 élèves, dont 250 Marocains et 450 étrangers : Maliens (212), Tunisiens (37), Ivoiriens mais aussi 22 Français envoyés par l'Union des mosquées de France (ils seront 50 à terme). Ils ont tous un point commun: leur passion pour religion. Des étudiants passionnés pour parfaire leur savoir-faire religieux Youssef Afif est un jeune futur cadre religieux français. Nous l'avons croisé à l'institut alors qu'il assistait à une séance de charia. Poursuivant sa formation en première année d'imamat, le jeune homme s'occupait auparavant en France de certaines activités à la grande mosquée Mohammed VI à Saint-Etienne. Ce futur imam a tout laissé derrière lui à Saint-Etienne, sa femme, ses deux enfants et son travail pour suivre cette formation et parfaire ses connaissances religieuses à l'institut. Ce jeune homme de 35 ans n'a pas manqué de témoigner de son expérience à l'institut qu'il juge plutôt agréable, hormis le fait qu'il soit loin des siens. «Actuellement, je suis en formation pour l'année 2014. Notre groupe se trouve à Rabat suite à une demande que Monsieur Mohammed Moussaoui, président de l'Union des Mosquées de France (UMF), a introduite auprès de Sa Majesté le Roi Mohammed VI». Et de poursuivre que la requête adressée au Roi visait «à former cinquante imams» et qu'elle a «été acceptée sans hésitation par Sa Majesté». «Nous sommes déjà une vingtaine d'étudiants à bénéficier de cette formation; trente autres étudiants vont nous rejoindre à partir du mois de septembre, dont 10 prédicatrices». Questionné sur sa vie au quotidien à l'intérieur de l'institut, le jeune homme nous apprend que la formation se déroule plutôt sous de bons auspices : «le cadre est agréable, les enseignements sont de bonne qualité et les responsables sont à la hauteur de leur mission».
Des femmes parmi les étudiants Croisées dans l'enceinte de l'Institut, elles ont attiré notre attention. Il s'agit des étudiantes guinéennes qui, studieuses, arpentent les couloirs de l'institution, leurs livres entre les mains et une volonté de fer dans les yeux. Interrogées sur leur cursus à l'institut, ces jeunes femmes nous apprennent en chœur qu'elles sont affublées d'une double mission : celle d'apprendre le maximum à l'institut, mais aussi de contrer de la façon la plus efficace, à travers ce qu'elles auront appris, l'analphabétisme religieux chez leurs compatriotes. C'est le cas de l'Haja Amina Regragui, chef de file de la délégation du ministère guinéen des affaires religieuses, qui chapeaute les étudiantes guinéennes. Cette quinquagénaire n'a pas décliné l'occasion de rejoindre l'institut et d'y suivre une formation de prédicatrice. «Je suis une femme qui ne s'arrête jamais aux limites». Et d'ajouter non sans une petite touche d'humour : «si je pouvais mettre toute l'Afrique sur les bancs de l'institut je le ferais, afin que tout le continent puisse se forger une bonne idée de l'Islam et de ses métiers». Haja Amina Regragui poursuit : «j'ai adoré la manière pédagogique utilisée à l'institut. Aujourd'hui, je me sens encore plus motivée pour revenir au plus vite dans mon pays et partager mon savoir-faire avec les autres femmes». L'une de ses compatriotes, Camara Fatoumato Aboubakr, n'a pas manqué de rappeler qu'au sein de l'Institut les conditions pour apprendre restaient «optimales». Signalons que la Guinée est représentée par une centaine d'étudiants.
Un institut pour préserver le référentiel religieux du Royaume On le sait tous : préserver le référentiel religieux est l'une des constantes les plus profondément enracinées au Maroc et les plus partagées avec l'ensemble des pays de l'Afrique de l'Ouest. «L'idée étant de tout baser sur le juste milieu, la modération et la tolérance et de se prémunir contre les relents de l'extrémisme», nous explique Abdesselam Lazaar, directeur de l'institut. Pour lui, «l'institution reste l'un des instruments au service de l'approche développée par le Souverain, dans le domaine de la protection de la foi et de la religion, approche basée sur l'impératif de préserver le référentiel religieux du Royaume, fondé sur Imarat Al Mouminine, la doctrine achaârite, le rite malékite et le soufisme procédant de la pratique de l'imam Al Jounaïd». L'institut a mobilisé un montant de 200 millions de dirhams, en plus de crédits alloués aux équipements administratifs, éducatifs, informatiques et sportifs ainsi qu'à l'équipement ménager qui se chiffrent à 24 millions de dirhams, sachant que la durée de réalisation des travaux s'est établie à neuf mois. Cet édifice d'une superficie de 28.687 mètres carrés abrite donc un «ensemble éducatif» qui comprend une mosquée ouverte au public, des salles de cours, des amphithéâtres, une bibliothèque, des salles d'informatique, une salle de sport très bien équipée, un stade de sports collectifs, une infirmerie, des douches, des vestiaires, ainsi que des espaces verts. Il possède également de nombreuses dépendances à l'instar d'un ensemble réservé à la restauration et à la résidence comprenant des restaurants, une buvette, une cuisine, des chambres froides, des locaux de stockage et 318 chambres d'une capacité de 700 lits notamment pour les étudiants étrangers. Quant au contenu des cours délivrés aux imams étrangers, l'institut prévoit les fondamentaux des sciences théologiques indispensables à l'imamat. Des cours de langue arabe et des cours d'informatique figurent également au programme. Abdeselam Lazaar: «Une bourse mensuelle de 2.000 dirhams pour chaque étudiant» Trois questions à Abdeselam Lazaar, directeur de l'Institut Mohammed VI de formation des imams, des prédicateurs et des prédicatrices
ALM : Comment est née l'idée de fonder cet institut ?
Abdesselam Lazaar : Lors de la visite effectuée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en République du Mali, à l'occasion de l'investiture de son nouveau président, Ibrahim Boubakar Keita, le Souverain avait fait part de sa décision d'acquiescer à la demande de la présidence de la République du Mali consistant en la formation de 500 imams, dans le cadre de cinq cycles, d'une durée de deux ans chacun. De même, Sa Majesté le Roi a donné son accord pour satisfaire des demandes similaires formulées par différentes parties souhaitant bénéficier du même programme.
Est-ce que les étudiants doivent payer pour la formation ? La formation est offerte par SM le Roi à tous les étudiants sans exception. Au contraire, chaque étudiant reçoit une bourse mensuelle de 2.000 dirhams. Les étrangers, rassemblés par nationalité, sont logés et nourris pendant les deux années que dure la formation. Et je dois vous mentionner que les lauréats marocains de l'institut vont recevoir, juste après leur formation, un salaire mensuel de 5.000 DH après avoir être recrutés par le ministère des habous et des affaires islamiques.
Comment gérez-vous la différence de langue de chaque pays ? La formation s'adapte au besoin de chaque nationalité, elle prend en compte les particularités, les sensibilités et cherche à combler les lacunes de chacun des étudiants en fonction de leur provenance. Le corpus reste commun mais s'y ajoutent toutefois des enseignements adaptés à chaque pays.