Jordanie. Deux organismes des droits de l'Homme ont réclamé lundi la libération de l'ex-députée Toujan Fayçal arrêtée samedi pour « atteinte à la réputation de l'Etat ». Une mesure qui vise aussi les journalistes du pays… Mme Fayçal a «simplement exprimé son point de vue sur le comportement de certains responsables». Cette arrestation «constitue une violation à la Constitution et à la loi qui assurent la liberté d'expression», a déclaré lundi le président de l'Organisation arabe des droits de l'Homme en Jordanie. Hani Dahlé a également réclamé lors d'une conférence de presse «la libération immédiate» de l'ex-députée qui a entamé une grève de la faim dès dimanche dernier. Toujan Fayçal, première femme jordanienne élue au Parlement (1993-1997), a en effet été mise en détention samedi pour 15 jours renouvelables sur ordre du procureur général de la Cour de sûreté de l'Etat. Motif de l'incarcération : «propagation d'informations portant atteinte à la réputation de l'Etat et à ses responsables». Mme Fayçal avait adressé le 6 mars dernier un courrier électronique au Roi Abdallah II, dans lequel elle accusait le Premier ministre Ali Abou Ragheb de «profiter financièrement» d'une décision gouvernementale d'augmenter de 100% les tarifs d'assurance des voitures. Accusations catégoriquement démenties par l'intéressé qui a poursuivi l'ancienne députée. Lundi, le représentant de l'Organisation des droits des citoyens, Fawzi Samhouri, a également réclamé la libération de Mme Fayçal pour mettre un terme à «cette violation flagrante des droits de l'Homme qui nuit à la réputation de la Jordanie dans le monde». Il a aussi exprimé son inquiétude quant à la multiplication des arrestations» de journalistes et de personnalités politiques depuis fin 2001, «pour avoir exprimé leur point de vue». Les rédacteurs en chef des hebdomadaires Al-Chahed et Al-Majd ont en effet été récemment arrêtés. Lundi soir, la Cour de sûreté a ordonné la mise en détention pour 15 jours renouvelables du propriétaire et du rédacteur en chef de l'hebdomadaire Al-Bilad, après la publication d'un article jugé offensant. M. Tajeddine Hroub, propriétaire, et Hachem Khalidi, rédacteur en chef - et auteur de l'article portant sur le même «scandale de l'assurance» - ont été accusés d'avoir fait paraître des informations… «portant atteinte à l'Etat et à ses responsables». Cette fameuse loi sur la « réputation de l'Etat » a été introduite le 8 octobre dernier, dans le cadre de la «lutte contre le terrorisme», par le gouvernement jordanien. Accompagnant une autre mesure sécuritaire qui limite sévèrement tout rassemblement public, cet amendement du code pénal - qualifié de «provisoire» - est venu renforcer l'emprise de l'exécutif sur la presse en lui imposant de sévères sanctions pour tout «délit de presse et de publication». Journalistes et écrivains risquent désormais la prison s'ils sont déclarés coupables d'avoir écrit ou de s'être exprimé publiquement sur des sujets qui pourraient notamment «nuire à l'image, à la réputation ou à la dignité de l'Etat»… Après la dissolution du Parlement en juin dernier par le Roi Abdallah II, la Jordanie a par ailleurs prévu d'organiser de nouvelles élections législatives cette année.