ALM : Vous êtes le nouveau président de la Chambre marocaine des producteurs de films, en tant que réalisateur quelle est la nature de votre mission? Ahmed Al Maanouni : Il y a plusieurs façons de concevoir la profession de réalisateur, plusieurs attitudes, plusieurs postures, plusieurs approches sont adoptées par les uns et les autres. Je les respecte toutes bien entendu. J'essaie de vous les citer pour mieux répondre à votre question : il y a ceux qui cherchent l'universalité en adaptant ou adoptant un langage, un rythme et des techniques éprouvés, empruntés aux films de genre à l'occidentale, disons : policier, comédie romantique, etc. Ils pensent que cette forme de mimétisme garantit plus facilement la réception des films. Il y a ceux qui se mettent au service de ce qu'ils perçoivent comme attente du public «le public veut ceci ou cela». Ils pensent se garantir ainsi une carrière commerciale. Il y a enfin ceux qui fabriquent leurs outils cinématographiques propres à eux, essaient de créer leur style original, poursuivent la vérité des émotions. Il se trouve que la plupart de leurs films trouvent facilement un public international justement grâce à leur authenticité et rencontrent un succès commercial au Maroc. Quel diagnostic faites-vous de l'état de santé de la production marocaine? On parle beaucoup de la quantité des films produits mais on oublie que la qualité ne suit pas, qu'en pensez-vous? Nous avons une politique cinématographique volontariste, nous avons aussi développé de bonnes compétences techniques, mais la chaîne de cinéma est toujours incomplète. Il nous reste encore beaucoup de lacunes qui se reflètent sur la qualité de certaines productions. La principale lacune est dans l'écriture de scénarios. Nous avons un riche patrimoine de tradition orale et de littérature écrite, bien sûr, mais la compétence technique en dramaturgie a besoin d'être cultivée. Une vraie éducation à l'image est nécessaire et ceci dès le plus jeune âge afin que nous puissions relever le niveau d'exigence artistique. Les gens apprécient l'art naturellement, mais le goût doit être cultivé. Sans cela, nous ne pouvons pas juger à leur juste valeur les œuvres qui nous entourent. A quoi sert concrètement cette chambre dont vous êtes président ? La Chambre marocaine des producteurs de films, créée il y a plus de 35 ans, constitue une force de proposition et de concertation avec le service public pour l'élaboration d'une politique cinématographique ambitieuse. Elle siège dans les instances audiovisuelles et se définit comme un lieu de réflexion, d'expertise et de propositions tourné vers l'avenir en initiant de nouveaux chantiers pour préparer l'évolution de nos structures de production cinématographique. Elle ambitionne d'élever les standards des producteurs-promoteurs de notre cinéma. Elle s'ouvre aussi largement aux jeunes producteurs qui relèvent les nouveaux défis de la mutation des circuits de production. Quels sont vos nouveaux projets ? Je prépare actuellement le tournage qui doit commencer le mois prochain de Julie-Aïcha, une comédie sur l'identité et la transmission entre les générations. Je retrouve dans ce film le personnage central de la mère, omniprésent dans mon travail depuis Alyam Alyam. Je développe parallèlement une trilogie documentaire que je produirai avec d'autres réalisateurs comme Hakim Belabbès et Dalila Ennadre sur la musique, un sujet qui m'inspire depuis Al Hal. Par ailleurs je continue de militer pour le jeune cinéma et je participe à des programmes pour l'émergence de nouveaux talents.