De violents heurts ont marqué, à Tizi Ouzou, capitale de la Kabylie, un meeting électoral du candidat-président Abdelaziz Bouteflika, qui battait campagne pour l'élection présidentielle du 8 avril. C'est en fin de matinée, au moment où le candidat-président Abdelaziz Bouteflika achevait son meeting, à la Maison de la culture de Tizi Ouzou, que des affrontements entre des manifestants et les brigades anti-émeutes, dépêchées en grand nombre dans la ville depuis plusieurs jours, ont éclaté. Les troubles ont éclaté alors que le chef de l'Etat prononçait un discours dans lequel il a passé sous silence la principale exigence des Kabyles : faire de leur langue, le tamazight, une langue officielle aux côtés de l'arabe. Les discussions entre le gouvernement et les Kabyles ont échoué en début d'année après le refus du président d'accéder à cette demande, proposant à la place un référendum. Bouteflika, donné favori pour gagner l'élection présidentielle du 8 avril en Algérie, cherche à s'attirer le soutien de l'électorat kabyle qui avait en grande partie boycotté les législatives de 2002. Sa visite à Tizi-Ouzou, pour la première fois depuis le déclenchement des troubles en Kabylie en avril 2001, revêtait une valeur symbolique et nombre d'analystes politiques pensaient qu'il ne s'y risquerait pas. Depuis le début de la campagne électorale pour la présidentielle, il s'agit du dérapage le plus grave, même si depuis quelques jours, plusieurs meetings ont été perturbés par des agitateurs. Mais contrairement à Tizi Ouzou, ce sont ceux des adversaires d'Abdelaziz Bouteflika, et notamment ceux de son concurrent le plus sérieux, Ali Benflis, qui ont été attaqués. Une centaine de manifestants ont incendié des pneus et lancé des pierres aux policiers anti-émeutes, qui ont riposté à l'aide de grenades lacrymogènes et de canons à eau. Selon des témoins, une dizaine de personnes ont été interpellées. On ne signale pas de blessé. Les brigades anti-émeutes n'ont pas tout de suite utilisé les grenades lacrymogènes malgré l'ampleur des incidents qui avaient gagné le quartier environnant. Les forces de l'ordre ont paru attendre en effet le départ du président sortant et des invités au meeting. Les brigades anti-émeutes ont procédé à de nombreuses arrestations parmi les manifestants. Ces incidents se sont produits dans une «ville morte», les commerçants et les administrations ayant répondu favorablement au mot d'ordre de grève lancé par la coordination des Arouchs (comités de village). Ceux-ci entendaient dénoncer la venue du président Bouteflika à Tizi Ouzou. Un autre candidat, Saïd Saâdi, favorable à l'affirmation berbère, organise un meeting vendredi dans un stade de Tizi Ouzou, non loin de la Maison de la culture où s'est exprimé Abdelaziz Bouteflika. Le directeur de la campagne électorale de Saïd Saâdi, Hamid Lounaouci, a confirmé la tenue de ce meeting malgré les incidents de mercredi matin et affirmé que ces derniers «ressemblaient étrangement à une provocation». «Le président, premier responsable des événements dramatiques qu'a connus la Kabylie depuis le printemps 2001, savait très bien qu'il n'était pas le bienvenu dans une région où tant de mal a été fait sous sa responsabilité», a déclaré Hamid Lounaouci. «Le fait de s'entêter à aller à Tizi Ouzou est une provocation de plus, même si on lui reconnaît le droit, en tant que candidat, de s'exprimer et de faire sa campagne». La crise politique en Kabylie, qui s'est soldée par une centaine de morts et des milliers de blessés, a éclaté à la suite de la mort en détention dans une caserne de gendarmerie d'un lycéen en avril 2001. La minorité kabyle souhaite une plus grande reconnaissance de son identité culturelle et linguistique et de ses droits démocratiques en Algérie.