C'est un bien grand tapage médiatique qu'a provoqué la récente décision de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). Avant de poursuivre, il convient de rappeler un peu les faits. Le régulateur avait récemment publié une décision sur le dégroupage de la boucle locale cuivre selon laquelle l'opérateur historique doit ouvrir la porte de ses nœuds de raccordement d'abonnés aux autres opérateurs. Une décision qui avait alors fait couler beaucoup d'encre et réagir de nombreux journaux. Plusieurs articles avaient fait état de la fin d'un supposé «monopole» de Maroc Telecom sur l'Internet Fixe (ADSL). Selon certaines publications, l'opérateur historique aurait jusqu'alors bénéficié d'une «position dominante indue», et serait dorénavant sommé de «rentrer dans les rangs». Il faut dire que cette interprétation de la décision de l'ANRT avait grandement surpris à la fois l'opérateur et le régulateur. Une grande question se posait alors: pourquoi le sujet avait-il pris une telle ampleur? Pour Maroc Telecom et l'ANRT, la décision sur le dégroupage cuivre relevait du «cours normal des affaires». De plus, le dégroupage est une opération rendue possible depuis 2008, date de la première offre technique et tarifaire de Maroc Telecom aux opérateurs tiers. Depuis, elle avait été dûment validée par l'ANRT et révisée à plusieurs reprises, sans que cela pose problème. Dans la même foulée, la toute dernière décision de l'ANRT n'a visé qu'à actualiser et préciser cette offre, notamment sur le plan technique, afin de prendre en compte les évolutions intervenues sur le réseau local de Maroc Telecom. Alors c'est quoi cette histoire de fin de monopole de la part de Maroc Telecom? Une source proche du dossier chez l'opérateur historique explique à Aujourd'hui Le Maroc que ce «monopole» sur le Fixe avait pris fin en 2005, date à laquelle deux nouvelles licences ont été accordées. Seulement, les titulaires de ces licences ont montré très peu d'intérêt pour le Fixe filaire et n'ont pratiquement pas investi. Ils estimaient qu'il était largement plus profitable de concentrer leurs efforts sur le Mobile. Maroc Telecom, pour sa part, ne l'a pas entendu de cette oreille. L'opérateur a continué à investir pour moderniser son réseau Fixe et Internet et maintenir le service, «même si ce n'était pas toujours rentable», précise-t-on auprès de Maroc Telecom. Face à cette situation, certains supports de presse en ont déduit que la décision de dégroupage représente une «punition» pour Maroc Telecom, assimilant l'opérateur à un hégémoniste. Une interprétation erronée puisque selon l'ANRT, cette décision reprend une grande partie des propositions discutées entre le régulateur et l'opérateur. La même source rappelle que le projet initial de l'ANRT était «fortement déséquilibré en faveur des autres opérateurs». Selon elle, on pourrait même «légitimement s'interroger si le régulateur n'avait pas l'intention de transformer Maroc Telecom en opérateur d'infrastructures pour tous les opérateurs». Le premier projet de décision allait, en effet, jusqu'à demander à Maroc Telecom de prendre en charge des investissements financiers, humains et logistiques au profit de ces derniers et sans contrepartie financière ! Il devait ainsi, par exemple, lui-même solliciter les autorisations pour les équipements de rue de ces derniers, les acheter et ensuite les installer pour leur compte. Tout cela sans la moindre garantie de paiement, puisque la tarification de l'ensemble de ces prestations était indexée sur les lignes commercialisées par les opérateurs tiers. Un risque à prendre, car si le retour sur investissement n'était pas effectif, l'opérateur n'aurait aucun autre moyen de voir ses investissements amortis un jour. Ainsi, une fois leur caractère insensé démontré, les dispositions fixées par l'ANRT ont été largement revues pour les rendre plus conformes à la pratique internationale. Pour notre source, «il ne fait aucun doute que le régulateur, qui avait échoué à amener les autres opérateurs à investir dans le Fixe sans leur imposer la moindre obligation, au prétexte que justement ils n'ont pas encore investi, entend faire porter le poids des investissements à Maroc Telecom seul». Et d'ajouter que cela «vaut pour les investissements récents que Maroc Telecom a réalisés pour installer des MSAN en déployant de la fibre optique entre ces nouveaux équipements et les anciens répartiteurs, qu'il lui faut maintenant mettre à la disposition des opérateurs tiers». Décidé à continuer sur sa percée malgré des réactions de la presse «à la limite de l'acharnement», l'opérateur ne compte pas baisser les bras, nous précise notre source. A plusieurs reprises, lors de ses dernières sorties médiatiques, Maroc Telecom avait promis de continuer à investir massivement dans les nouvelles technologies, sans jamais retarder l'introduction de nouveaux services, sauf s'il en est empêché comme ce fut le cas pour le très haut débit. Il faut dire que la commercialisation du Fiber To The Home (FTTH) n'avait été autorisée que 15 mois après le dépôt de la demande de Maroc Telecom, et seulement dans quelques quartiers. Toute communication sur le sujet avait alors été interdite.