Il y a dix ans, un nouveau code de la famille entrait en vigueur. Aujourd'hui, l'heure est au bilan. Dans ce sens, le ministère de la justice a organisé, hier mercredi, en partenariat avec le ministère de la solidarité, de la femme, de la famille, et du développement social une journée d'étude. Et les chiffres présentés sont édifiants. Si l'une des nouveautés du code de la famille était de relever l'âge de la majorité à 18 ans pour les hommes et les femmes, l'on se rend compte dix ans après que les moins de 18 ans se marient encore plus. Mustapha Ramid, le ministre de la justice, a ainsi déclaré que les couples mariés sous l'âge légal ont poursuivi un trend haussier durant les dernières années. Le mariage des mineurs a même fait plus que doublé. «II est passé de 18.341 mariages en 2004 à 35.152 en 2013. Ces cas ont représenté 11,7% du nombre global des mariages actés en 2013 sachant que la plus forte hausse a été enregistrée en 2011 avec un taux pratiquement de 12%», a précisé le ministre. Si le code de la famille n'a pas eu tout l'effet escompté sur les mariages des mineurs, son entrée en vigueur a fait baisser le taux de la polygamie. Selon Ramid, elle a connu son plus bas niveau durant les années 2012 et 2013 avec un taux de 0,26% de l'ensemble des mariages au Maroc. L'année 2011 a enregistré, quant à elle, la plus forte hausse en une décennie (0,34%). La «Moudawana» a eu également un effet positif en ce qui concerne la réconciliation entre les couples en instance de divorce. Quelque 8.702 couples ont pu ainsi se réconcilier et sauver leurs mariages l'année dernière. Mais il ne faut pas se leurrer. Les cas de divorce ont tout de même sensiblement augmenté. Ce sont plutôt les divorces judiciaires ou «Tatliq» qui explosent ces dernières années. Cette catégorie de résiliation du mariage a atteint un niveau record en 2013. «Les jugements prononcés l'année dernière en ce qui concerne «Tatliq» ont atteint les 40.850 contre 7.213 cas en 2004», souligne Mustapha Ramid. Il précise, en outre, que ce genre de divorce n'est plus l'apanage des femmes puisque les hommes sont de plus en plus nombreux à y faire recours. «Les demandes émanant des femmes ont représenté l'année passée 56% du taux global alors que les hommes ont formulé 44% des demandes», ajoute le ministre. Par ailleurs, il semble que les tribunaux de la famille soient plus performants au niveau du traitement et de l'exécution des affaires. Les statistiques officielles montrent que le taux des affaires traitées durant les dix dernières années a atteint les 81% alors que l'exécution des jugements au cours de la même période a enregistré un taux de 86%. Cependant, toutes les dispositions et mécanismes prévus par le code de la famille n'avancent pas à la même vitesse. Le cas le plus flagrant concerne le fonds d'entraide familiale. Un fonds destiné à verser des pensions aux femmes divorcées sans ressources en attendant l'exécution des jugements. «Au premier avril 2014, le nombre des bénéficiaires a atteint les 3.386 femmes alors que le nombre des pensions versées représentait à cette date 22.691.518,00 dirhams (ndlr: le budget mobilisé pour le lancement du fonds est de l'ordre de 160 millions de dirhams)», annonce Ramid. Et de conclure: «C'est un bilan limité nécessitant d'étudier ses causes et la manière la plus adaptée pour l'améliorer, que ce soit sur le plan législatif ou de gestion». Fonds d'entraide familiale Le fonds d'entraide familiale a été lancé officiellement il y a deux ans. Doté d'un budget de démarrage de 160 millions de dirhams, ce fonds devait permettre le versement d'allocations sous forme d'une avance pour les femmes divorcées dont l'indigence est avérée. Ces avances sont versées en cas d'un retard dans l'exécution des jugements fixant la pension alimentaire ou en cas d'empêchement de son versement pour cause d'insolvabilité. Le fonds intervient également en cas d'absence du débiteur ou s'il est introuvable. Les bénéficiaires sont donc la mère démunie divorcée et les enfants du pacte de mariage rompu. Pour rappel, c'est la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) qui se charge de la gestion administrative des dossiers et des versements des allocations fixées par le tribunal. Les bénéficiaires ont droit à une pension de 350 DH par enfant avec un plafond de 1.050 DH par famille. Mais seulement voilà, le nombre limité des bénéficiaires depuis le lancement officiel du fonds montre que le mécanisme n'est pas encore bien huilé. «Tatliq» et «Chiqaq» Selon le code de la famille, Tatliq est le divorce judiciaire alors que «chiqaq» a lieu lorsqu'une demande de l'un de deux époux pour raison de discorde est effectué. L'article 94 du code stipule que si les époux, ou l'un d'entre eux, demandent au tribunal de régler un différend les opposant et qui risquerait d'aboutir à la discorde, il incombe au tribunal d'entreprendre toutes tentatives en vue de leur réconciliation. L'article 97 dispose pour sa part qu'en cas d'impossibilité de réconciliation et lorsque la discorde persiste, le tribunal en dresse un procès-verbal, prononce le divorce et statue sur les droits en prenant en compte la responsabilité de chacun des deux époux dans les causes du divorce, pour évaluer la réparation du préjudice subi par l'époux lésé. La loi fixe d'autres causes de divorce judiciaire, notamment le manquement de l'époux à l'une des conditions stipulées dans l'acte de mariage, le préjudice, le défaut d'entretien, l'absence, le vice rédhibitoire chez le conjoint et le serment de continence ou le délaissement.