Ils étaient des dizaines de milliers à descendre dans les rues de Casablanca. L'heure indiquait 10h du matin lorsque la marche ouvrière organisée par les syndicats de l'UMT (Union marocaine de travail), la FDT (Fédération démocratique du travail) et la CDT (Confédération démocratique du travail), s'est ébranlée. Dans les premières lignes de la manifestation, il y a évidemment les secrétaires généraux des trois centrales syndicales. Miloudi Moukharik de l'UMT, Abderrahmane Azzouzi de la FDT et Mohamed Noubir Amaoui de la CDT. Les trois responsables multipliaient les déclarations aux médias venus en masse couvrir une marche consacrée à la protestation contre «la dégradation» des conditions sociales et économiques de la classe ouvrière et des salariés. Seul Amaoui, très affaibli par la maladie, a dû quitter la manifestation avant sa fin. En plus des grandes figures des trois syndicats, des politiques étaient également au rendez-vous. Quelques parlementaires principalement membres de la Chambre des conseillers, ainsi que des membres des bureaux politiques de certains partis de la gauche marocaine, notamment l'USFP et le CNI (Congrès national ittihadi) ont ainsi voulu marquer leur présence. Cela dit, la manifestation n'a pas connu une très grande participation de la part des personnalités politiques, notamment de l'opposition. Une absence prévisible puisque les organisateurs voulaient préserver le caractère syndical de la marche loin de toute instrumentalisation politique. Mais les dossards arborés par les syndicalistes et les slogans scandés par les marcheurs avaient parfois une très forte connotation politique.
«Tcharmil politique» Car en plus des classiques slogans syndicalistes qui revendiquent une couverture sociale plus élargie et une revalorisation du salaire minimum, les participants ont scandé des slogans du genre «Benkirane dégage» et «gouvernement de l'austérité». Actualité oblige, le mot «tcharmil» a fait son entrée officielle dans le jargon syndical. Cette nouvelle dénomination donnée à des groupes de jeunes en quête d'affirmation par des méthodes pour le moins scandaleuses et qui fait le buzz sur les réseaux sociaux, a été récupérée par les syndicalistes pour dénoncer ce qu'ils ont qualifié de «tcharmil politique». Le politique était donc omniprésent et se mélangeait au social donnant lieu à un cocktail de revendications politico-sociales. Il faut dire que plusieurs organisations se sont greffées à la marche de ce dimanche. Il y avait ainsi de nombreux groupuscules de la gauche radicale en plus des membres des coordinations des diplômés chômeurs. L'AMDH (Association marocaine des droits de l'Homme) était également dans les rangs des marcheurs. Bref, il y avait comme plusieurs manifestations dans une seule marche. Chacune avait ses propres manifestants et des slogans différents. L'organisation laissait donc parfois à désirer. Certains éléments se réclamant d'un mystérieux courant se faisant appeler «le militant» distribuaient même des tracts affirmant que la marche était trop insuffisante et appelant à des grèves sectorielles et nationales. Certes, la marche a mobilisé du monde, mais probablement moins par rapport à ce que les observateurs s'attendaient pour une telle manifestation. Reste maintenant à savoir quelle sera la prochaine étape à la fois pour les syndicats mais également pour le gouvernement qui a déjà annoncé un nouveau round de dialogue social. Seules les forces de sécurité savaient que l'étape suivante pour elles ce dimanche était le derby casablancais entre les clubs de football du Raja et du Wydad. La journée était encore beaucoup trop longue pour la police mais ça, c'était une autre paire de manches…