Comme la plupart des annonces du gouvernement, celle d'indexer les prix du pétrole à la pompe sur ceux pratiqués au niveau du marché international a été reportée à une date ultérieure. C'est en tout cas le message que Mohamed Najib Boulif a voulu passer dans sa dernière sortie médiatique. Pour le ministre délégué chargé des affaires générales et de la Gouvernance, il s'agit d'une décision politique qui sera prise au moment opportun, en fonction des développements notamment du Moyen-Orient. Alors que tous les décrets entrent en vigueur automatiquement après leur publication dans le bulletin officiel, celui sur l'indexation est aujourd'hui mis en veilleuse par le gouvernement jusqu'à nouvel ordre. Donc, on ne parle plus du 16 septembre, mais du début de l'année prochaine. Entre ces deux dates, un battement de quatre mois qui pourra, certes, permettre aux machinistes de voir venir, voire de préparer les temps durs qui se profilent à l'horizon proche, mais surtout, une période qui devrait coûter énormément aux finances de l'Etat. Partant du constat que la Caisse de compensation a déboursé quelque 32 milliards de dirhams pour permettre aux prix des produits pétroliers de ne pas mettre le feu aux poudres de la cherté de la vie l'année dernière, les prévisionnistes calculent que l'administration va décaisser environ 11 milliards de dirhams pour payer la facture énergétique du dernier tiers de 2013. Onze milliards de dirhams, c'est un chiffre-icône, puisque c'est sensiblement la somme que l'enchérissement de juin de l'année dernière – 2 DH pour l'essence et 1 DH pour le diesel- a permis d'épargner. Certes, elle a vite disparu dans la trappe des dépenses publiques croissantes, mais la comptabilité nationale en garde la trace comme d'une action efficace dans le court terme. Cependant l'affaire n'étant pas payante dans le long terme, le gouvernement a donc envisagé une indexation partielle des prix à la pompe sur les cours du brut à l'international. Si la hausse va au-delà de 2,5%, les prix à la consommation suivent le mouvement. L'inverse demeure en principe vrai pour les trois types de produits qui sont au centre de la mesure : l'essence, le gasoil et le fuel. Reste à savoir ce que sera l'impact de cette indexation sur l'économie. Dans une note d'évaluation de ses effets, le HCP indique que toutes choses étant égales par ailleurs, toute augmentation «devrait avoir un effet positif sur le budget de l'Etat dont on connaît les déficits dans la conjoncture actuelle». Elle devrait avoir un effet contraire sur les prix intérieurs qu'elle accroîtrait, le pouvoir d'achat et la consommation des ménages qu'elle réduirait. Cette hausse engendrerait, par ailleurs, une baisse de l'investissement, de l'emploi et de la croissance. C'est ainsi que le solde budgétaire enregistrerait une amélioration, allant de 0,20 en 2012 à 0,75 en 2017 en point du pourcentage du PIB. «L'investissement de son côté devrait régresser significativement passant de 0,59% en 2012 à 2,72% en 2016, affectant ainsi l'emploi qui connaîtrait des pertes allant de 8.430 postes d'emploi en 2012 à 11.340 en 2017, avec une accentuation entre 2013 et 2014 aux environs de 19.500 pertes d'emploi». Au rebours de cette perspective, le solde commercial devrait s'améliorer de 0,8% du PIB en 2013-2014 et de 0,59% en 2017. Les prix des carburants à la pompe au Maroc se décomposent en une partie fixe déterminée par les pouvoirs publics et une partie variable dépendante du marché international du pétrole raffiné et de la situation sur le marché de change. La composante fixe du prix contient deux éléments : la taxe intérieure à la consommation et les frais et marges de transport et de distribution qui constituent ensemble 38% du coût de revient de l'essence, 26% de celui du gasoil et 4% pour le fuel industriel. La grande partie des prix à la pompe est donc formée du prix des produits raffinés à raison de 53% pour l'essence, 65% pour le gasoil et 87% pour le fuel industriel. La TVA, fixée à un taux réduit de 10%, vient en deuxième position des composantes variables des prix à la pompe. Enfin, la subvention est aussi un élément variable dépendant des composantes précédentes et calibrée périodiquement afin de garantir des prix à la pompe prédéterminés.