L'opposition a remis en cause la démarche adoptée par le gouvernement pour la réforme de la Caisse de compensation. Les deux parties se sont retrouvées face à face lundi dernier à l'occasion de la séance mensuelle des questions de politique générale. Les formations de l'opposition ont notamment reproché à l'Exécutif l'absence d'une vision claire. «Il y a aujourd'hui unanimité sur la réforme de la Caisse de compensation. Le problème aujourd'hui concerne la méthode et la démarche adoptées par le gouvernement. L'opposition n'est pas impliquée alors qu'il s'agit d'un chantier national dans le contexte d'une nouvelle Constitution qui insiste sur la démarche participative», déclare Mehdi Mezouari, député USFP (Union socialiste des forces populaires). Et de poursuivre: «Notre souci concerne le modèle importé puisque le gouvernement s'inspire dans sa réforme des expériences étrangères, notamment des pays de l'Amérique latine optant pour les aides financières directes. Or, le contexte marocain qui a ses propres spécificités impose une réforme adaptée. Notre souci majeur concerne la difficulté à définir les pauvres ainsi que les risques sur la classe moyenne». Alors que les premières mesures de réformes commencent à filtrer dans la presse, les forces de l'opposition restent catégoriques en rejetant toute réforme de la Caisse de compensation qui engendrerait une hausse des prix, menaçant ainsi le pouvoir d'achat des citoyens. L'opposition a, par ailleurs, attiré l'attention des responsables gouvernementaux sur le risque d'un recours massif des consommateurs aux produits importés et de contrebande. De son côté, la majorité parlementaire a appelé le gouvernement à accélérer la cadence des réformes pour améliorer le pouvoir d'achat des citoyens. Les députés de la majorité ont constaté que malgré les efforts fournis par le gouvernement pour améliorer les conditions de vie des Marocains, il est également appelé à trouver des solutions adaptées pour préserver le pouvoir d'achat des citoyens. Les forces de la majorité ont également invité le gouvernement à ouvrir un dialogue social dans le but de parvenir à des mesures susceptibles d'améliorer le revenu des salariés et à accélérer la cadence de la réforme. Elles ont aussi appelé à réactiver les mécanismes de surveillance de l'action des commissions de contrôle des prix, à réprimer la fraude et à combattre l'évasion fiscale. Pour sa part, le chef de gouvernement a démenti toute augmentation des prix des produits de base qualifiant de «rumeurs» les informations circulant à ce sujet. «Les prix auraient pu atteindre des niveaux record en raison des conditions climatiques et de la conjoncture économique internationale, notamment les fluctuations du cours du dollar, si le gouvernement n'était pas intervenu à deux niveaux, d'un côté à travers la subvention des produits de base, et de l'autre par le renforcement du pouvoir d'achat des familles marocaines, ce qui a exigé du gouvernement des efforts exceptionnels, qui surpassent sa capacité financière nominale», a-t-il expliqué. Mais Benkirane n'a, semble-t-il, pas su convaincre l'opposition ni même le parti de l'Istiqlal, son allié au gouvernement, sur la démarche adoptée pour réformer la Caisse de compensation. Au cours de l'année 2012, les charges de la Caisse de compensation ont dépassé les 51 milliards de dirhams. Un budget énorme, selon le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, lorsqu'on sait que le budget général du pays ne dépasse guère les 210 milliards de dirhams. Aides directes Dans un entretien accordé à notre confrère «La Vie éco», Mohamed Najib Boulif, ministre des affaires générales et de la gouvernance en charge du dossier de la Caisse de compensation, a annoncé les premières aides financières directes avant l'été prochain. «Une fois le projet de réforme adopté par le gouvernement, un débat public s'ouvrira à partir du début de 2013, en même temps que les dispositions logistiques et matérielles se mettront en place. En fonction de cela, on pourra espérer que le système démarrera au premier trimestre 2013, et qu'avant juin 2013 les premiers transferts seront effectués», avait-il affirmé. Le gouvernement propose ainsi de supprimer progressivement la subvention sur les produits de base. Les plus pauvres obtiendront des aides financières probablement d'un montant de 1.000 dirhams mensuellement, pour faire face à la hausse des prix. Boulif a également affirmé que les classes moyennes basses seront éligibles au soutien monétaire. «Bolsa familia» Il semble que le gouvernement Benkirane a été séduit par l'expérience brésilienne dans la réforme de la compensation. En remplaçant le système de subvention actuel par un autre basé sur le ciblage des catégories démunies et marginalisées ainsi qu'une partie de la classe moyenne par des aides financières directes, le gouvernement reproduira en quelque sorte le système «bolsa familia» en vigueur au Brésil. Les responsables veulent une réforme de la Caisse à travers une subvention financière directe tout en garantissant l'accès à la santé et à l'enseignement. Le pays a déjà acquis une petite expérience à travers les programmes «Tayssir» et «Ramed». Cela dit, Najib Boulif avait affirmé au Parlement que le gouvernement a étudié une vingtaine d'expériences à travers le monde. Des systèmes d'aides et de subvention existent, en effet, en Amérique latine (Brésil) mais également en Europe de l'Est et en Asie du Sud-est. Caisse budgétivore Au cours de l'année 2012, les charges de la Caisse de compensation ont dépassé les 51 milliards de dirhams. Un budget énorme, selon le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, lorsqu'on sait que le budget général du pays ne dépasse guère les 210 milliards de dirhams. Les 51 milliards de 2012 ont été nécessaires pour faire face à la hausse des prix à l'international des produits énergétiques (pétrole et gaz). Pour rappel, les produits subventionnés au Maroc sont le sucre, le blé, le gaz butane, l'essence et le diesel. Pour certains partis politiques, le pays est obligé d'importer ses besoins en termes de produits énergétiques, un effort devra être fait pour baisser la facture des céréales et du sucre en encourageant la production locale et préserver ainsi les finances publiques de la volatilité des prix sur le marché international. En 2013, la loi de Finances prévoit un budget de 40 milliards de dirhams. Hausse des prix Pour le chef de gouvernement la hausse significative des revenus des ménages a dépassé celle des prix, en raison des mesures prises par le gouvernement au cours des dernières années. Benkirane a évoqué, dans ce sens, des données fournies par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), selon lesquelles l'indice des salaires minimums a largement dépassé, pour la première fois depuis des années, celui des prix à la consommation, et ce au titre des années 2011 et 2012, ce qui témoigne de l'augmentation du pouvoir d'achat lors de ces deux dernières années. Abdelilah Benkirane a ajouté que les mesures prises par l'Exécutif avaient pour objectifs, d'une part, de maintenir le seuil des prix, et, d'autre part, améliorer le revenu du citoyen, observant que l'application desdites mesures dans un contexte international difficile en 2012 a eu lieu dans un cadre marqué par une multitude de facteurs négatifs, notamment la récession dans des pays partenaires du Royaume, l'augmentation des cours des matières premières, la baisse des transferts des MRE et du secteur touristique et la volatilité des cours de changes. Ces facteurs ont eu un impact négatif sur l'économie du pays, car la volatilité des cours de changes, par exemple, a eu par conséquent l'augmentation des dépenses de la Caisse de compensation de près de 4 milliards DH (soit 0,5% du PIB), et la hausse du déficit de la balance des biens et services d'environ 6 milliards DH (soit 0,7% du PIB), a encore expliqué M. Benkirane. Et de rappeler, à cet égard, les décisions prises par le gouvernement, dont la subvention des prix du blé tendre, du blé dur et de l'orge, et le soutien de la production de la betterave à sucre (230 millions DH environ), notant que ces montants s'ajoutent à l'enveloppe budgétaire consacrée au système de compensation et qui a atteint 55 milliards DH au titre de l'année 2012.n