Mohammedia vit, depuis plus d'un mois, au rythme d'une campagne d'évacuation du domaine public. Orchestrée par les autorités locales sous la houlette de son gouverneur récemment nommé, Fouzia Amensar, elle a concerné toute construction, de quelque nature qu'elle soit, édifiée sur le domaine public. Cafés, restaurants, locaux de commerces, vendeurs ambulants, «ferracha» (vendeurs à l'étal), bureaux de tabacs, particuliers, et même pharmaciens, personne n'y a échappé. Cette opération a suscité des réactions différentes : le mécontentement de ceux rappelés à l'ordre, l'applaudissement de la majorité des habitants, mais aussi l'inquiétude face à l'avenir de ceux qui voient leur seule source de revenu menacée. Ainsi les «ferracha» qui occupaient massivement l'espace public particulièrement à proximité de la mosquée Mali, entravant la libre circulation des citoyens, ont été chassés. Des cafés n'ayant pas d'autorisation ont tout simplement été rasés. Ceux dont les terrasses dépassaient l'espace autorisé ont été sommés de se conformer aux normes. C'était notamment le cas des cafés du parc des villes jumelées de Mohammedia. Ces derniers ont exprimé en ce début de semaine leur colère par un arrêt partiel de leur activité avant de finir par obtempérer. Même cas pour les commerces entourant la Kasba, les pharmaciens et restaurants appelés à ranger leurs panneaux non autorisés, ainsi que pour les particuliers et autres commerces de la ville… Pour les autorités locales, «cette campagne est opérée au niveau national, pas seulement à Mohammedia, et s'inscrit dans la légalité, notamment l'application stricte de la loi n°12-90 relative à l'urbanisme, particulièrement l'article 80», a indiqué à ALM un haut responsable de la préfecture ayant souhaité garder l'anonymat. En effet, ledit article stipule que «toute construction, de quelque nature qu'elle soit, édifiée sur le domaine public, fait l'objet, nonobstant tout recours, d'une confiscation au profit de l'Etat ou de la collectivité locale concernée ou d'une destruction effectuée d'office par le gouverneur de sa propre initiative ou sur réquisition du gestionnaire du domaine public concerné, aux frais du contrevenant». Par ailleurs, il est à noter qu'avant cette campagne d'assainissement de la ville initiée par le gouverneur, l'ampleur de l'occupation de l'espace public à Mohammedia était flagrante, causant plusieurs désagréments aux habitants. Selon notre source, plusieurs vendeurs à l'étal sont étrangers à la ville, issus des régions aux alentours particulièrement de Casablanca, Benslimane, Bouznika, Mansouria, travaillant des fois en famille avec plusieurs charrettes, occupant la voie publique, l'espace réservé aux piétons, et causant par les déchets qu'ils laissent derrière eux des problèmes environnementaux. L'occupation des cafés était tout aussi illégale, des cafés au parc occupaient la chaussée, un autre les devants de l'église, ou encore la Chambre de commerce, d'autres la plage, certains louaient des terrains qui ne leur appartenaient pas. Il existe également le cas d'un café exploité sans autorisation depuis plus de 40 ans, sans payer d'impôt et qui plus organisait des jeux de hasard et servait de la chicha. On cite aussi l'existence d'un bidonville formé de seize baraques en pleine rue d'Alger (centre-ville). C'est ainsi que «cette campagne de démolition et de rappel à l'ordre a été entreprise en réaction à plusieurs dizaines de plaintes reçues par la préfecture en provenance des habitants, des associations locales, et d'acteurs politiques atteints par l'anarchie que connaissait la ville», a expliqué ce haut responsable, soulignant que l'opération qui a démarré de manière réfléchie et progressive a été précédée d'une campagne de sensibilisation. Toutefois la question qui se pose est : comment Mohammedia a-t-elle pu atteindre un tel degré de laisser-aller ? La réponse se trouve en partie du côté des élus locaux. «Ces derniers délivraient depuis des décennies plusieurs autorisations provisoires dans des emplacements interdits, lors de campagnes préélectorales», explique notre source. Ajoutant que normalement la possibilité de délivrer des autorisations est de la responsabilité du conseil de la commune après procédure d'évacuation, sauf que cela se faisait par des élus de manière individuelle et à des fins électoralistes. Par ailleurs, aujourd'hui l'heure est à la réhabilitation et l'embellissement de la ville. Sont également prévus, selon la même source, des programmes sociaux pour lutter contre la pauvreté, notamment en collaboration avec l'INDH, ainsi que des crédits de la commune alloués aux activités génératrices de revenu au profit des couches vulnérables.