Près de sept ans après le référendum sur le Brexit, l'opposition entre « Brexiters » et « Remainers » continue de s'intensifier, alors que les dividendes du divorce entre Londres et Bruxelles, acté il y a trois ans, tardent à se manifester. Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a affirmé la semaine dernière, à l'occasion du troisième anniversaire de la sortie de l'Union européenne (UE), que le Royaume-Uni a fait « d'énormes progrès » pour tirer parti des opportunités offertes par le Brexit, dans le but de relever les défis auxquels le pays est confronté. Une position logique de la part d'un politicien qui a toujours été favorable à un Royaume-Uni « indépendant ». Il a voté en faveur de la rupture avec Bruxelles en 2016 et a pratiquement toujours soutenu les politiques pro-Brexit au Parlement. Lors d'une conférence des Conservateurs en 2021, il s'est dit « fier » d'avoir soutenu ce projet, assurant que « la souplesse, la flexibilité et la liberté offertes par le Brexit seront plus précieuses dans une économie mondiale du XXIe siècle que la simple proximité d'un marché. » Un optimisme qui contraste avec les récentes annonces du Fonds monétaire international (FMI), selon lesquelles le Royaume-Uni devrait être le seul pays parmi les économies avancées et émergentes à connaître une contraction de sa croissance l'année prochaine. Le pays est notamment confronté à une crise du coût de la vie exacerbée par une inflation à deux chiffres. Dans cette dichotomie, les partisans du Brexit refusent de voir un lien de cause à effet entre la sortie de l'UE et la contreperformance du Royaume-Uni, blâmant la crise sanitaire du Covid-19 et la guerre en Ukraine. A contrario, les opposants à la sortie veulent tout mettre sur le dos du Brexit. La vérité se situe inévitablement quelque part entre les deux. L'accord du Brexit n'est clairement pas l'unique responsable du gouffre dans lequel se sont enfoncées les finances de la Grande-Bretagne, mais ce n'est certainement pas un facteur à négliger. Les économistes du pays s'accordent sur le fait que le Royaume-Uni est à la traîne par rapport à ses pairs, « car il subit le pire de deux mondes » : Comme c'est le cas en Amérique, la réduction de la main-d'œuvre post-pandémie a entraîné un resserrement du marché du travail. Et comme le reste de l'Europe, Londres est exposée à l'envolée des prix de l'énergie. La croissance de la productivité et les investissements des entreprises étaient déjà anémiques avant 2016. Sur les colonnes du Financial Times, l'économiste chevronné, Tim Harford, a indiqué que les performances économiques du Royaume-Uni sont « désastreuses » depuis 15 ans. Comme nombre de ses pairs, il ne conteste pas le fait que le Brexit a entrainé une stagnation des investissements, du fait des incertitudes politiques et économiques résultant de la création de barrières avec le plus grand partenaire commercial du pays. De plus, la sortie de l'UE a également coïncidé avec une perturbation inédite de la gestion de la chose publique. Les gouvernements conservateurs successifs ont tenté d'imposer le Royaume-Uni sur l'échiquier politique international, tout en se démêlant pour ne pas sombrer dans une succession de crises. Dans les faits, Boris Johnson a abandonné la stratégie industrielle de Theresa May et s'est évertué à résoudre la quadrature du cercle en promettant de « réaliser le Brexit » avec une présence marquée de l'Etat dans l'économie, avant de voir les finances publiques s'éroder à l'arrivée de la pandémie de Covid-19. L'objectif de renouer rapidement avec une croissance forte a poussé Liz Truss à changer de cap, en adoptant des réductions d'impôts massives et non financées et l'effondrement des marchés qui en a résulté a conduit Rishi Sunak sur un chemin complètement opposé. Ces revirements successifs, qualifiés « d'incohérence de la politique économique » par l'opposition, ont amplifié la réticence des entreprises à investir, créant l'inverse de l'effet recherché par l'Exécutif. Mais pour le ministre des Finances, Jeremy Hunt, les libertés réglementaires retrouvées grâce au Brexit ont encore le potentiel de relancer l'économie et d'accélérer l'arrivée des gains tant attendus du Brexit. Selon lui, lorsque les réformes sur la directive européenne Solvency II, qui régit les assurances, entreront pleinement en vigueur dans quelques mois, elles débloqueront « cent milliards de livres d'investissements supplémentaires pour les actifs britanniques les plus productifs, comme les énergies propres ou les infrastructures ». Mais en attendant de résoudre ce casse-tête économique, Downing Street doit également s'atteler à trouver une solution à l'imbroglio politique de l'Irlande du Nord, dont les institutions sont boycottées par les unionistes depuis les élections de mai 2022. Selon eux, le protocole concernant la province négocié avec Bruxelles dans le cadre du Brexit met en péril son appartenance au Royaume-Uni et doit être révisé.
ALdar : LA MAP Tags le débat sur sa pertinence s'accentue Trois ans après le Brexit