C'est un constat hallucinant. Douar «Mkanssa», Hay «Nabila» et «Ouled Abbou» sont devenus, ces derniers temps, des zones de non-droit. Ces localités, relevant de la préfecture de l'Arrondissement de Aîn Chock à Casablanca, plongent dans le noir et le chaos. Il fallait se rendre sur les lieux pour pouvoir mesurer l'ampleur de la catastrophe. Ces douars, exemple phénoménal de l'insalubrité de l'habitat à l'échelle nationale, renvoient des images de tristesse et rappellent, à chaque instant, à leurs habitants leur statut de perdants dans la vie. Dans ces douars sombres, des familles sont entassées, empilées pêle-mêle, agglutinées dans des cabanes lugubres. Des douars ? Une campagne ? Un village ? Il semblerait que c'est tout cela en même temps. Un autre monde. Et nous sommes dans la capitale économique du pays. Un spectacle désolant. Le plus grave est que le malheur de cette population locale est exploité par des élus, rompus au double langage et à la roublardise, à des fins purement électorales. Une bonne partie de cette zone, notamment «Mkanssa», rappelle-t-on, a été lotie anarchiquement par un élu qui a pu aller sous l'Hémicycle avant que le Conseil constitutionnel ne le suspend de ses fonctions de parlementaire vers la fin du mandat. Mieux vaux tard que jamais ! Aujourd'hui, les choses ont pris une proportion alarmante. Au cours de la semaine dernière, des «Baltagias», (voyous), travaillant à la solde d'un baron de l'habitat anarchique, ont violemment attaqué un caïd de la préfecture de Aîn Chock, provoquant des dégâts à sa voiture de service. Cela s'est passé devant les pauvres habitants qui sont terrorisés par des pratiques du moyen âge et dont les auteurs ne sont autres que ces élus qui exploitent leur pauvreté, leur précarité, leur vulnérabilité et leur ignorance. Selon des sources concordantes, la gouverneur de la préfecture de l'arrondissement de Aîn Chock, Fouzia Imanssar aurait ouvert une enquête dans cette affaire surtout que les «Baltagias», ayant humilié son caïd, ne cachent pas qu'ils travaillent pour le compte de certains élus mouillés jusqu'au cou dans les affaires de l'habitat anarchique. S'agissant de ce fléau de l'habitat anarchique, force est de constater que depuis l'incident ayant provoqué la mort d'un habitant de la zone, il y a quelques semaines, le fléau a pris sérieusement de l'ampleur. Et le plus grave est que ce sont des élus qui surveillent cet état de choses qui ternit l'image de toute la capitale économique du pays. Alors que nous sommes à l'ère d'une nouvelle Constitution qui promet un Maroc nouveau, moderne, un pays de droits, de libertés, de l'égalité, de démocratie et de justice sociale. Il faut dire que cette préfecture de Aîn Chock est une cité de tous les paradoxes. Des villas cossues au quartier de Californie et sur le boulevard Panoramique. Pas loin, on trouve des bidonvilles hideux où la misère saute aux yeux. La précarité et l'exclusion sociale, sous toutes leurs formes, à côté des cases de fortunes. Bref, le bonheur des uns à côté du malheur des autres. Cette localité a aussi battu tous les records en matière d'habitat anarchique et des violations du code de l'urbanisme. Sa périphérie abrite des usines clandestines, des «Rosa morts» où il n'y a pratiquement pas de conditions et des équipements de sécurité nécessaires à la préservation de la vie des salariés. Ces pauvres vivotent dans ces conditions qui laissent à désirer face aux rigueurs du destin et à l'injustice de certains élus. Dans cette localité de plus de 320.000 habitants, les riches ne votent généralement pas, ou du moins ils ne sont pas inscrits dans cette circonscription électorale. Un fief composé de pauvres, des élus «professionnels» dans le domaine qui les exploitent et un quartier chic pour les autres riches. Voilà en deux mots la cité de Aîn Chock. Le malheur des uns côtoie le bonheur des autres.