Le Maroc vient d'entrer de plain pied dans une phase avancée de son processus d'édification de son projet de société moderne, ouverte, solidaire en se donnant les moyens institutionnels et les structures appropriées à inaugurer une nouvelle ère pour la nation marocaine. Le discours de SM le Roi du 17 juin 2011 fera date de par son contenu et ses dimensions citoyennes. Le projet de nouvelle Constitution que les Marocaines et les Marocains s'apprêtent à adopter par un référendum populaire consacrera la marche du pays vers l'émancipation et l'accession au concert des nations modernes et démocratiques. Le projet pour lequel les citoyens de ce pays auront à approuver se fonde sur «les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance». Sur le fond, la nouvelle Constitution apporte les mécanismes de construction d'«une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l'égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les droits et les devoirs de la citoyenneté» (préambule de la Constitution). Aujourd'hui, nous sommes à la phase de maturation de ce qui a commencé avec la dynamique lancée par l'accession du souverain au trône et la mise en place de ce que le discours royal considère comme une «charte constitutionnelle démocratique». Nous avons tous, citoyennes et citoyens, assisté à l'installation, dans la progressivité, des attributs de nouveaux concepts et désormais nous avons évolué du concept de l'autorité vers celui de l'exercice du pouvoir. Une démarche de construction patiente et sereine adossée aux principes du dialogue, de la concertation et de la large participation de toutes les forces vives de ce pays. Nous n'oublierons pas que la transition démocratique du Maroc a nécessité une forte propension de courage et de réalisme politique complètement inédits dans les sociétés de niveau de développement comparable au nôtre. Pour s'en convaincre, il nous suffit de nous représenter tout le travail sur soi qu'a demandé le processus de réconciliation avec le passé, rendu possible grâce au travail novateur en profondeur de l'IER et tout ce qui en est suivi en termes de mise en application des percepts de la justice transitionnelle. Cette évolution, qui devient par la force des choses une œuvre collective, permet de solder un certain nombre d'hypothèques du passé. Ainsi, le projet de nouvelle Constitution de par son contenu institue «un modèle constitutionnel marocain original, reposant sur deux piliers complémentaires l'un de l'autre» : Le premier pilier traduit l'attachement aux constantes immuables de la Nation marocaine, dont Nous avons la charge d'assurer la pérennité et la continuité dans le cadre d'un Etat musulman où le Roi, Amir Al Mouminine, assure la protection de la foi et des fidèles, et le libre exercice des cultes…/… S'agissant du deuxième pilier, il traduit la volonté de conforter et de consacrer les attributs et les mécanismes qu'induit le caractère parlementaire du régime politique marocain. Celui-ci, en effet, repose, dans ses fondements, sur les principes de souveraineté de la Nation, la prééminence de la Constitution comme source de tous les pouvoirs, et la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. Tout cela s'inscrit dans un schéma constitutionnel efficient et rationnel, qui est foncièrement propre à garantir la séparation, l'indépendance et l'équilibre des pouvoirs, et qui a vocation à assurer la liberté et le respect de la dignité du citoyen (discours royal). Autre innovation de ce texte renforçant le sacro-saint principe de séparation des pouvoirs, la décision de mettre un terme aux rhétoriques et autres polémiques sur ce fameux article 19 de la présente Constitution. Deux articles distincts du nouveau texte (41 et 42) explicitent de manière évidente ce principe : Le premier stipule les attributions exclusives du Roi, Amir Al Mouminine, Président du Conseil Supérieur des Ouléma, lequel a été érigé en institution constitutionnelle. Le second article définit «le statut du Roi, en tant que Chef de l'Etat, son Représentant suprême, symbole de l'unité de la nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l'Etat, de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Royaume, Guide éclairé, et Arbitre Suprême qui, transcendant toute appartenance politique ou autre veille à la préservation des choix démocratiques de la Nation, et à la bonne marche de ses institutions constitutionnelles. Le Roi exerce ses missions régaliennes de Garant et d'Arbitre, qui sont énoncées dans cet article, sur la base des dispositions d'autres articles, expressément stipulées dans la Constitution, étant entendu que la législation est du ressort exclusif du parlement » (Discours royal). Les notions d'équilibre, de justice et d'égalité ne sont pas seulement présentes dans l'exercice du pouvoir (le nouveau rôle de l'exécutif et du législatif et le renforcement des mécanismes de contrôle en dotant l'opposition d'une stature particulière et efficace dans ce sens), elle couvre tous les domaines des droits sociaux, économiques et culturels des citoyens. La nouvelle constitution est un nouveau pacte historique entre le Trône et le peuple pour asseoir la bonne gouvernance, une citoyenneté digne et la justice sociale. La nouvelle Constitution n'est pas une fin en soi, c'est le souverain qui l'affirme, elle constitue l'amorce d'une étape nouvelle dans la vie de ce pays à l'histoire plus que millénaire. Cette phase signifie que le combat mené de hautes luttes par les forces démocratiques a permis de libérer ces énergies créatrices de la société pour des lendemains meilleurs. Le combat de demain est celui de la sauvegarde de toutes ces avancées tangibles qui font du modèle de démocratie marocaine une exception. Nous n'ignorons pas que ce dessein historique empruntera des sentiers où les embûches sont légion. L'essentiel c'est de pouvoir insuffler cette nécessaire mobilisation citoyenne qui aura pour effet d'immuniser le pays contre toute velléité de retour vers un passé révolu à jamais.