Aziza Chaouni et Tarik Oualalou, deux jeunes Marocains représentant cette nouvelle génération d'architectes cosmopolites, ont partagé, lundi soir à New York, leur conception d'une architecture “équitable” et moderne basée sur le développement durable, à travers des projets originaux actuellement en cours, notamment un projet d'écotourisme à Mhamid El Ghizlane et la réhabilitation du Musée de Volubilis. Réunis dans le cadre de la 4ème édition du festival “World Nomads Morocco”, autour de leur mentor Jean Louis Cohen, un des historiens de l'architecture parmi les plus réputés, enseignant à Paris et New York, les deux architectes qui ont fait de ce métier une passion, ont raconté tour à tour leurs expériences, “encore récentes, mais combien intenses”, même si “l'architecture, disent-ils, c'est souvent, faire des compromis”. “Ils ont conscience de leur environnement, et surtout ont su tirer les enseignements des succès et des erreurs de leurs aînés”, relève Jean Louis Cohen qui est revenu sur l'âge d'or de l'architecture au Maroc, évoquant Jean-François Zevaco, qui compte à son actif l'aérogare de Tit Mellil, le tribunal de Mohammedia ou la poste centrale d'Agadir. Il citera également Elie Azagury, le premier architecte marocain, également engagé dans la reconstruction d'Agadir après le tremblement de terre et à qui l'on doit aussi la station balnéaire de Cabo Negro. Jean Louis Cohen, familier du Maroc, co-auteur, avec Monique Eleb, de l'ouvrage de référence incontournable sur Casablanca “Casablanca, mythes et figures d'une aventure urbaine”, reviendra sur l'architecture emblématique imaginée entre les années 40 et les années 70, qui était “marquée par une conception innovante” et qui faisait écho à de nombreux projets à travers le monde, notamment en Allemagne et au Brésil, souligne ce spécialiste des avant-gardes architecturales et de l'urbanisme du XXe siècle en Europe et aux Etats-Unis. “Aujourd'hui, le Maroc foisonne de projets structurants et vit un dynamisme culturel sans précédent. Un véritable laboratoire pour les idées”, dit-il, tout en appelant à accorder une attention particulière aux écosystèmes et aux paysages. Restituer les paysages dans leur contexte Ce souci est partagé par Aziza Chaouni, diplômée de la prestigieuse université de Harvard (USA), qui s'est lancée dans un projet d'écotourisme dans la région de M'hamid Elghizlane. Ce projet en cours de réalisation, une unité d'accueil en zone rurale, est conçu en partenariat avec une centaine de femmes des sept ksours de la région réunies en coopérative. C'est dans le cadre du volontariat qu'elle s'est engagée au côté de l'ONG Zaila pour aider ces femmes à mettre en valeur leur savoir-faire, préserver leur environnement et créer une activité génératrice de revenu. “Taragalt Ecolodge”, se propose de créer un environnement propice au développement économique local tout en combattant la désertification. Ce projet, qui bénéficie du soutien de l'INDH, s'est vu décerner le 2ème prix par le prestigieux Musée Of Modern Art (MoMA) de New York, dans le cadre de la compétition 2010 de l'urbanisme, catégorie “Nouvelle architecture à engagement social”. Dans le même esprit, la jeune architecte qui vit entre Toronto, où elle enseigne et Fès, travaille également sur le site de la “Dune blanche” à Dakhla. Une vision stratégique pour la création d'un ressort écologique à “dimension humaine”. Là encore, l'approche environnementale est très présente, dit-elle de ce projet conçu autour d'une baie et d'une réserve naturelle, dans le cadre de la vision 2020. Ce même principe est défendu par Tarik Oualalou qui veut “recréer l'espace, l'adapter et lui donner un sens”. La place “Moulay El Hassan” à Rabat (ancienne place Piétri) illustre ce concept. Elle “n'est pas un simple parking mais un lieu d'interaction” qui rassemble. Elle deviendra un “lieu convivial “ qui faisait défaut à la capitale, dit-il. “Parfois des éléments totalement disparates peuvent aboutir à une identité”, souligne Oualalou qui revient sur son expérience à Volubilis, devenu, pour lui, un “Â paysage habitable”. Cette notion “d'insérer le projet dans le paysage” est très présente chez ce jeune architecte diplômé de Paris, à la tête d'une agence basée dans la capitale française avec des antennes à Casablanca et à New York. Pour Benjamin Prosky, commissaire de cette manifestation, et responsable des programmes publics à l'école d'architecture de l'université de Columbia à New York, cette jeune génération d'architectes a une vision créatrice qui repose sur l'observation et la restitution des paysages dans leur contexte. “Ils ont conscience des contraintes de la nature et inscrivent leurs projets dans cette problématique”, dit-il. “World Nomads Morocco” est initié par le “Frence Institute Alliance Française” (FIAF), en partenariat avec l'”Association Essaouira-Mogador” et la “Fondation Esprit de Fès”.