Cette fois l'avertissement est sérieux : A peine un mois après l'ouverture officielle de la pêche dans les rivières à truites, le 20 mars dernier, ses fervents défenseurs dénoncent une dérive sans précédent. En cause : le braconnage, l'improvisation et le laisser-faire. Regard de mauvais jours et cou rentré dans les épaules, Hassan accompagné d'un groupe d'amis, des fanas de la pêche à la truite, bien que chevronnés, rentrent pour leur troisième week-end successif «bredouilles». «Pas une truite, pas une touche», affirme-t-il le moral en berne. Il faut dire que, passé le fébrile enthousiasme du premier jour de l'ouverture de la pêche dans eaux classées à salmonidés (le 20 mars pour cette année), les inquiétudes des fervents amateurs de cette discipline éco-touristiques montent à la surface. Et dont d'aucuns s'interrogent sur son devenir et globalement sur ces espèces halieutiques menacées aujourd'hui de disparition. Des interrogations légitimes qui semblent obséder tous les observateurs avisés et excitent les bruiteurs marocains auxquels il n'a pas échappé que, pour cette année par exemple, un mois après l'ouverture officielle de la saison de pêche, les cours d'eaux soient dépouillées de truites pêchables et alimentent les angoisses. D'après des témoignages recueillis auprès d'amateurs et de militants associatifs qui œuvrent, non sans peine, d'adopter la pêche dite le «no kill», «la situation est préoccupante». Pour beaucoup d'entre eux, la gestion et le contrôle des rivières à truites sont en tête d'un chapelet de scandales qui pourrissent et infestent les oueds à truite des provinces d'Ifrane et de Khenifra. On égrène ainsi le problème du braconnage qui selon nos interlocuteurs s'opère au grand jour. Un garde bénévole qui a préféré l'anonymat qualifie d' «anarchie indigne» la situation que connaît chaque dimanche des oueds comme Khnigue, Amengouss, Guigou, Oum Rabie ou Fellat. Réputés pour être les «stars nationales de la pêche à la truite», le beau temps printanier aidant, ces rivières, sont victimes de leurs succès et se trouvent, nous affirme-t-on, chaque dimanche assaillis par des hordes de braconniers qui font leur loi. Dés lors il est légitime de s'interroger sur le rôle des forestiers et de la gendarmerie de l'environnement voire des autorités locales ? Selon nos interlocuteurs, rares sont ceux qui disposaient de permis de pêche et dans leur majorité les paniers ont été pleins à craquer et les prises de truites se font sans aucun respect de la loi en vigueur notamment en termes de la taille et du nombre des poissons à capturer. «Faute de contrôle, bonjour l'anarchie», ironise un pêcheur qui avoue que les bénévoles ont été dépassés et des fois battues en retraite en face des menaces. Ajoutons à cela l'improvisation administrative qui a entouré la tenue du conseil de la pêche, le 17 mars 2011, soit trois jours avant l'ouverture de la saison, l'augmentation dans les prix du permis qui ont été suivi par un sit-in des pêcheurs au moment ou le reliquat des permis des années précédentes suscites des doutes et pour lequel des voix s'élèvent pour l'ouverture d'une enquête, on peut dire que le ver est dans le fruit au lieu d'être sur l'hameçon pour appâter un bon spécimen. Réalité funeste Autre grief et non des moindres : le rôle du CNHP (Centre National d'Hydrobiologie et de Pisciculture d'Azrou) qui par sa mission doit jouer un important rôle dans la promotion de la pêche sportive à travers la production des espèces piscicoles pour le repeuplement des rivières et le déversement des truites pêchables. La dure et funeste réalité décrite par les fervents de cette discipline, au début de saison de pêche, donnent raison de s'interroger sur qui fait quoi au CNHP. D'autant plus que ce Centre de recherche ( ?) dont la réputation s'écaille comme un poisson pourri, (n'est-il pas considéré comme un gouffre financier et un champion national des produits fongibles ?), est décrié et sévèrement critiqué (cf Al Bayane du 26/11/2010) et attaqué de toutes parts pour sa stérilité scientifique pour laquelle le Département du Docteur El Hafi donne l'impression d'avoir échoué à trouver le remède idoine. Plus encore et dans de nombreux cas, le rôle du CNHP, ne brille toujours pas par sa clarté. Selon nos informations en effet, les déversements se seraient limités cette année aux alevins et aux truitelles dites arc-en-ciel, espèce introduite d'Europe. On laisse croire ainsi que le CNHP qui gère la station piscicole de Ras El Ma n'aurait pas réussi à disposer d'un stock en géniteurs susceptibles d'assurer la production de la truite Fario, la truite marocaine endémique de référence internationale. D'après nos confidences, seul un géniteur mâle de 35 cm a été capturé au niveau de la réserve permanente d'Amangouss (région Bakrit) alors que des géniteurs fario de la station Ras El Ma auraient été déversés, contre toute attente, au niveau de la rivière de Talambote (province de Chaouen). Si ces informations se confirment, ce serait un «vrai scandale écologique et une véritable entorse à la politique nationale en matière de la pérennisation et la préservation des espèces endémiques nationales » insiste un chercheur. Et par suite, cela «jettera du sel sur la plaie déjà ouverte des écosystèmes vulnérables marocains», ajoute-t-il. Déjà tous les spécialistes s'accordent à reconnaître que nous sommes face à une véritable menace où plusieurs espèces endémiques survivent dans des conditions limites et subissent une exploitation destructrice ce qui «ne laisse aucune place au doute et à l'improvisation». C'est dire que, devant la voracité des Hommes et l'irresponsabilité de l'administration, l'urgence est de mise dans ce cas si on veut que les rivières ne se vident pas de poissons et demain il n'y aura que des souvenirs à pêcher. En attendant, le CNHP, à défaut d'une véritable politique de recherche sur la salmoniculture, peut encore se targuer de réussir des aquariums à truites pour épater les visiteurs des foires et des salons. Le leurre a trop duré.