Les soldats soutenant Alassane Ouattara se sont heurtés à une vive résistance des combattants du président sortant Laurent Gbagbo samedi à Abidjan, où les deux camps se disputent le contrôle de la Côte d'Ivoire. Signe de l'ampleur et de la gravité que revêt le conflit, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé que des violences intercommunautaires avaient fait au moins 800 morts le 29 mars à Duékoué, ville de l'ouest du pays tombée ce jour-là aux mains des forces de Ouattara. A Abidjan, des combats opposaient les forces adverses autour du palais présidentiel, de la radio-télévision ivoirienne (RTI) et de camps militaires. La RTI, que le camp Gbagbo contrôle toujours mais dont les combats avaient interrompu les émissions durant une journée, les a reprises en diffusant des images de Gbagbo, l'air détendu et buvant du thé. Ces images auraient été prises ce samedi. Fusillades et tirs d'armes lourdes ont retenti toute la matinée aux abords du palais présidentiel, au Plateau, a rapporté un journaliste de Reuters. Des accrochages ont aussi eu lieu aux abords des locaux de la RTI et de camps de gendarmerie. “Nous allons combattre jusqu'à la mort pour défendre notre territoire. C'est la mort ou la victoire. Il y a beaucoup de morts dans les deux camps”, a lancé un combattant pro-Gbagbo. Répondant à un appel lancé à la télévision, de nombreux “Jeunes patriotes” ont été vus convergeant vers le palais présidentiel ou vers d'autres lieux stratégiques d'Abidjan. S'agissant des événements de Duékoué, l'organisation Caritas a rapporté que des dizaines de personnes y étaient aussi portées disparues en plus des 800 morts dont fait état le CICR. “Il y a eu de très nombreux meurtres derrière la progression des forces de Ouattara et il se peut que beaucoup de gens se soient enfuis”, a dit Jean Djoman, représentant de Caritas, par téléphone d'Abidjan. “Nous pensons que le total des morts et des disparus s'élève à un millier.” Sur cette base, le bilan confirmé des victimes de violences depuis l'élection présidentielle du 28 novembre atteindrait environ 1.300 morts. Gbagbo refuse de céder le pouvoir à Ouattara bien que celui-ci ait été reconnu vainqueur du scrutin par la quasi-totalité de la communauté internationale. Le bilan réel est sans doute beaucoup plus lourd du fait de l'étendue des combats et parce que les forces de Gbagbo révèlent rarement leurs pertes ou le nombre des civils tués. En France, le ministère de la Défense a fait savoir samedi que la base militaire française de Port-Bouët, dans le sud d'Abidjan, accueillait désormais plus de 1.300 ressortissants étrangers, dont un tiers de nationalité française. Dans un communiqué la présidence française indique que “la France, avec le président Ouattara, en appelle solennellement aux parties ivoiriennes pour qu'elles s'astreignent à la plus grande retenue.” Paris affirme que “trop de crimes ont déjà été commis en Côte d'Ivoire” et promet que ceux qui se rendent coupables de violations des droits de l'homme “auront à en rendre compte”. Des habitants du quartier d'Adjamé - proche de celui de Cocody, où se trouve la résidence officielle de Gbagbo - ont signalé de fortes déflagrations près du camp de gendarmerie d'Agban, le plus important de la ville. “C'est très puissant et nous nous abritons dans nos maisons”, a dit Jules Konin, qui vit à proximité. Les forces de Ouattara ont atteint Abidjan jeudi après une progression rapide vers le sud qui avait d'abord rencontré très peu de résistance. Mais elles font maintenant face aux combattants les plus aguerris de Gbagbo, les quelque 2.500 membres de la Garde républicaine regroupés dans la métropole lagunaire avec les derniers éléments de l'armée régulière encore fidèles. Les pro-Ouattara semblent handicapés par des divisions entre les différentes factions, a dit une source parmi les rebelles. Les forces commandées par Guillaume Soro, le Premier ministre de Ouattara, ne coopèrent pas avec les insurgés anti-Gbagbo qui ont pris le nord d'Abidjan il y a un mois.