L'analyse de la carte de la corruption de l'Espagne, signalant les municipalités où sont impliqués hommes politiques et entrepreneurs dans des scandales de corruption, démontre que les noms des militants du Parti Populaire (PP : opposition majoritaire), sont les plus cités aux procès anti-corruption. Le PP, qui a été porté au pouvoir en 1996 grâce à une campagne musclée contre le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), basée sur la dénonciation de scandales politico-financiers, s'affronte désormais à une série de cas de corruption dans ses propres files. Déjà son trésorier, le sénateur Luis Barcenas et autres dirigeants, ont été obligés de démissionner de leurs postes, écartés de leurs responsabilités ou carrément expulsés du parti. L'actuel président du gouvernement régional de la Communauté régionale Valencienne, Francisco Camps, est inculpé pour avoir accepté des cadeaux, tels des costumes d'une valeur de 30.000 euros. L'ex-président du gouvernement régional des Baléares, également ex-ministre de José Maria Aznar et ex-dirigeant du Parti Populaire, Jaume Matas, a été inculpé, il ya une semaine, de plusieurs délits en relation avec la malversation de fonds publics, fraude administrative et corruption. Il est passible, selon l'acte d'accusation établi par le ministère public anticorruption, d'une peine de prison de 23 ans et de l'inhabilitation. La publication de cas de corruption dans lesquels sont impliqués présidents de conseils élus, conseillers municipaux et militants de partis politiques constituent un thème de prédilection pour les médias. C'est aussi une thématique qui permet avec une grande facilité de réunir des données sur les montants détournés ou reçus sous forme de pots-de-vin, les témoignages des personnes directement touchées et l'accès aux documents officiels grâce à la complicité de fonctionnaires et avocats en colère contre la dépravation de la vie politique. A l'approche des élections municipales, le 22 mai prochain, l'opinion publique espagnole a suivi avec étonnement comment des dirigeants du PP, qui s'abstiennent de contribuer à la solution des grands problèmes du pays (tels le chômage ou la perte de compétitivité de l'entreprise), sont cités comme présumés coupables dans divers procès de corruption. Le dernier en date est celui de l'ex-maire de la municipalité de Ciutadella (Iles Baléares) et huit autres personnes ont été détenus et conduits, mardi, au cachot de la garde civile, menottes en mains comme de vulgaires voyous, dans une nouvelle opération contre la corruption. Ils sont accusés de divers délits d'escroquerie, de fraude et de falsification de documents commis à travers une entreprise publique. Ce scandale a éclaté suite à une plainte criminelle déposée par le parti régionaliste Unio des Poble Ciutadella (UPCM) contre l'ex-maire, l'ex-conseiller au tourisme et l'ex-président du consortium Pla Mirall, Avel.lí Casanovas. Ce consortium agissait comme un groupe d'entreprises fictives pour donner une apparence légale à divers marchés d'offres à travers l'entreprise publique CITUR, en connivence avec les conseillers municipaux. Mardi, l'opinion publique a été aussi au rendez-vous à la Cour Suprême de Justice à Madrid avec une audience orale du procès intenté contre l'ex-trésorier national du PP et ex-sénateur de Cantabrie (Nord de l'Espagne), Luis Barcenas. Il est accusé d'avoir touché un total de 1,3 million d'euros en pots-de-vin. Il est aussi poursuivi pour avoir reçu de l'entrepreneur Francisco Correa, un ami de l'ex-président du gouvernement José Maria Aznar, « comme cadeaux, des voyages pour un montant de 133.262 euros entre les années 2000 et 2004 » qu'il avait effectués à Cuba, Mexique, Italie et Suisse. L'entrepreneur a également engagé un des frères de l'ex-trésorier du PP comme employé dans une de ses agences de voyages pour des honoraires de 20.000 euros. Barcenas devait justifier la somme de 1,3 million d'euros qu'il avait reçus sous forme de commissions pour avoir intercédé auprès des municipalités dirigées par le PP en vue d'obtenir des contrats en faveur du réseau de corruption et ses entreprises. Pour chaque contrat adjugé, sa part de commissions oscillait entre 18.000 et 60.000 euros selon le projet. Le procès de l'ex-trésorier national du PP fait partie des éphémérides noires de la jeune démocratie espagnole. Les militants des deux grands partis politiques sont les protagonistes des grands scandales de corruption. Les plus importants font désormais partie des cas cités comme référence soit dans la jurisprudence soit aux manuels de sciences politiques. Les plus importants sont : 1. Cas Roldan : ce directeur général de la garde civile entre 1986 et 1993 avait escroqué des millions d'euros sous forme de primes puisés dans les fonds réservés (caisse noire) du Secrétariat d'Etat à la Sécurité. Il a fini par séjourner pendant plusieurs années en prison. Une partie des montants, 12 millions d'euros indûment perçus, se sont évaporés. 2. Cas Urralburu: le président socialiste du gouvernement régional de Navarre a été inculpé pour des délits de falsification et fraude pour avoir bénéficié de commissions illégales pour des travaux publics réalisés entre 1987 et 1991. Il a été écroué en compagnie de son conseiller. 3. Cas Ibercorp: l'ex gouverneur de la Banque centrale, Mariano Rubio, inculpé dans une opération de spéculation de fonds privés (1992-1995), a été condamné à une peine de prison. 4. Cas Filesa: c'est le grand scandale qui avait provoqué la chute des socialistes à cause du financement illégal du PSOE à travers des entreprises fictives (Filesa, Malesa et time-Export) qui, entre 1988 et 1990, avaient obtenu des montants en contrepartie d'études qui n'ont jamais été réalisés pour le compte de banques et grandes entreprises. 5. Cas Gurtel: une trame d'abus de pouvoir, montée par Francisco Correa, a corrompu des conseillers municipaux et régionaux du PP à Madrid et à Valence.