Le Maroc célèbre aujourd'hui, à l'image des autres pays, la journée internationale de la femme. Cette commémoration représente une aubaine propice pour évaluer les avancées accomplies, dresser le bilan de l'évolution de la situation de la femme au Maroc, et rappeler aussi les aspirations toujours en attente, susceptibles de garantir une égalité effective et impartiale entre les deux sexes. Plusieurs acquis ont été enregistrés lors de ces dix dernières années quant à l'évolution de la situation de la femme au Maroc. Au niveau législatif, la révision du code de la famille en 2004 constitue, sans doute, une des réalisations majeures que la société civile et les associations féminines espéraient. Prônant plusieurs nouveautés, la nouvelle Moudawana a contribué sine qua non à changer la perception de la famille dans notre société. Le code en question a mis en condition, d'une part, la polygamie par une série des mesures restrictives visant à freiner la multiplicité des épouses. Autre avancée importante qui figure dans le nouveau texte concerne la création d'un fonds d'aide à la famille, destiné à assister financièrement les femmes divorcées dont leurs ex-époux refusent de livrer la pension alimentaire. Le code de la famille hausse l'âge de mariage à 18 ans pour les filles sauf exception soumise à l'approbation du juge afin de limiter le mariage des mineurs. Quoique le dernier bilan de l'application de la Moudawana ait montré que ce type d'union persiste encore ((18341 actes en 2004 et 33253 en 2009 selon le ministère de la justice). Le mariage à la Fatiha étant toujours de mise particulièrement dans certaines régions (Azilal 10 000 dossiers ont été enregistrés, à Casablanca 780 demandes et 300 dossiers à Berrechid, etc. selon la fondation Itto). Toutefois, la prorogation de l'article 16 permettant aux couples mariés au « Orf » de régulariser leur situation auprès des tribunaux, permettra sans doute de diminuer ce genre d'union. L'introduction du divorce pour discorde (Chiqaq) représente une autre innovation de taille. Car, de par cette procédure, le nouveau texte consent à l'un des deux époux de saisir le tribunal pour une demande de divorce judiciaire au cas où l'union devient impossible. Dans ce cas de figure, le magistrat tente une procédure de conciliation avant de prononcer le verdict final. Des amendements ont porté aussi sur le code de la nationalité. La femme marocaine mariée à un étranger peut, à partir de ce nouveau texte, transmettre la nationalité marocaine à ses enfants. Une réforme très applaudie par la société civile. La décision royale du 10 décembre 2008 à l'occasion de la 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme de lever les réserves sur la Convention internationale de lutte contre toutes les formes de discrimination et la proclamation du 10 octobre, journée nationale de la femme, expriment également la volonté réelle du Maroc d'aller de l'avant en matière d'égalité des sexes et de la reconnaissance de la femme à part entière dans la société marocaine. Sur le plan politique, le renforcement de la représentativité politique de la femme dans les postes de décision, notamment à la chambre des députés à travers la mise en place de la liste nationale(30 femmes élues), et aux collectivités locales, par le biais des listes additionnelles( un mécanisme qui a augmenté le taux des sièges obtenu aux échéances 2009 à 11,7% par rapport aux élections 2003) ainsi que la budgétisation de l'approche genre dans la loi des finances, ont contribué essentiellement à l'implication réelle de cette frange de la société. CEDAW : une harmonisation qui attend toujours Malgré ses réalisations, le Maroc a encore du pain sur la planche s'il veut garantir une réelle égalité des sexes et rivaliser les pays développés. Sur le plan de l'implication de la femme dans le leadership politique, le principe du tiers vers la parité est encore loin d'être atteint. Les associations féminines appellent à l'institutionnalisation du quota comme mesure transitoire afin de garantir une meilleure représentativité politique des femmes dans les instances élues. L'appel à l'harmonisation de la législation avec les dispositions internationales ratifiées par le Maroc, surtout suite à la décision de lever des réserves sur la CEDAW, devra prendre le chemin de la concrétisation, déclarent les associations. Cette mise en conformité implique, par conséquence, une refonte globale de plusieurs textes dont le code de la famille jugée encore en deçà des attentes et le code pénal de 1962. Le tissu associatif estime que le code pénal actuel contient à travers tous ses textes une philosophie discriminatoire contraire au principe d'égalité tel que défini dans la CEDAW. D'ailleurs, sur ce registre, une coalition pour une législation pénale a déjà vu le jour. Composée d'une vingtaine d'associations non gouvernementales, la coalition baptisée « printemps de la dignité » plaide pour un nouveau code pénal fondé sur le principe de l'égalité. Actuellement, le Maroc travaille à bras le corps sur un nouveau projet. Cependant, la mise en place d'une loi portant sur la violence conjugale constitue la revendication majeure prônée par les femmes marocaines. Le vide juridique, souligne à plusieurs occasions l'Observatoire marocain des violences faites aux femmes, contribue indéniablement à l'amplification du phénomène de la violence basée sur le genre qui trouve dans le lit des stéréotypes un terrain favorable qui la légitime. L'enquête réalisée par le Haut commissariat au plan a mis sous les feux des projecteurs la prévalence de la violence gendarisée dans le contexte marocain. Ainsi, 6 millions de femmes sur un total de 9,5 millions âgées entre 18 et 64 ont subi un acte de violence, soit un taux de 62,8%. Ce chiffre interpelle tout un chacun et requiert des mesures à différentes dimensions pour bannir cette pratique ayant pignon sur rue. Enfin, le droit successoral représente aussi un point d'épine contre lequel les associations féminines marocaines se mobilisent. Cela dit, si le Maroc a, sans aucun doute, réalisé des avancées importantes en matière de l'évolution de la femme, la situation requiert aujourd'hui d'élargir l'espace d'égalité et de mettre en place de nouvelles perspectives en vue de la concrétisation de ce principe. Le Maroc devra donc, à l'image des autres chantiers urgents, mettre les bouchées doubles pour garantir une meilleure protection aux femmes.