Le régime du colonel Mouâmmar Kadhafi est à bout de souffle, selon plusieurs experts internationaux. Le discours enflammé et menaçant de Kadhafi n'aura servi à rien. Son appel lancé mardi, «Rendez vos armes immédiatement, sinon il y aura des boucheries», n'a pas été entendu par la population. Plus grave, il a davantage attisé les tensions. La population a poursuivi ses manifestations et ses marches pacifiques, en comptant ses morts. Le bilan officiel, fourni pour la première fois, fait état de pas moins de 300 morts, 124 à Benghazi, 81 à Al Baïda, 65 à Derna. L'écrasante majorité des victimes sont des civils. Ce bilan serait encore plus lourd selon les informations annoncées par les organisations humanitaires, les témoins oculaires et les chaines satellitaires qui diffusent des atrocités et des horreurs sur les lieux. On parle même de génocide et des crimes contre l'humanité. Les soulèvements à Tripoli et dans les autres localités de la Libye sont fortement soutenus par plusieurs manifestations devant les ambassades et les consulats de la Libye dans le monde. Et dans la foulée, les réactions de la communauté internationale se multiplient, appelant les autorités libyennes à arrêter immédiatement le recours à la violence à l'égard des manifestants. Dans la même soirée de mardi, le ministre de l'Intérieur, Abdel Fatah Younes s'est rallié à la cause des manifestants qui réclament le départ du colonel qui dirige le pays depuis plus de quatre décennies. La démission du ministre de l'Intérieur est ainsi intervenue après celle du ministre de la justice, Moustapha Abdel Jalil qui a démissionné «pour protester contre l'usage excessif de la force» contre les manifestants. «Kadhafi père», l'une des quatre lignes rouges, fixées en 2007 par son fils, Seif Al Islam, a été ainsi franchie et violée. Kadhafi a affirmé dans son discours au ton agressif qu'il resterait au pouvoir et qu'il se «battrait jusqu'à la dernière goutte de (son) sang». Mais, la population n'a pas désarmé. Et les démissions ou défection de hauts responsables libyens, ministres, diplomates ou militaires ont donné un coup fatal au régime de Kadhafi. La défection diplomatique libyenne provoquera l'isolement du régime de Tripoli du reste du monde. Ceci au moment où le Conseil de sécurité des nations unies, réuni en urgence mardi soir, a condamné vigoureusement la répression des manifestants par le régime de Kadhafi et réclamé «la fin immédiate des violences». Les 15 pays membres « condamnent la violence et l'usage de la force contre des civils, déplorent la répression contre des manifestants pacifiques et expriment leur profond regret à propos de la mort de centaines de civils », a déclaré Maria Luiza Ribeiro Viotti, ambassadrice du Brésil et présidente en exercice du Conseil de sécurité. Mais, les autorités libyennes continuent leur recours à la violence, les victimes tombent les unes après les autres, les blessés succombent à leurs blessures, les médicaments et autres produits nécessaires se font de plus en plus rares, les voisins fuient, les pays occidentaux et arabes continuent de rapatrier leurs ressortissants. Une crise humanitaire grave est à craindre.