Dilma Rousseff, une économiste et ex-guérillera de 63 ans ayant connu les geôles de la dictature, est devenue samedi la première femme à diriger le Brésil et s'est donné pour priorité «l'éradication de la pauvreté» dans la huitième économie du monde. Elle succède au charismatique Luiz Inacio Lula da Silva, son parrain politique, qui quitte le pouvoir après huit ans avec une popularité record de 87%. Symbole de cette transmission de pouvoir, Lula, souriant et chaleureux, a passé à sa dauphine, revêtue d'un sobre tailleur blanc, l'écharpe présidentielle verte et jaune aux couleurs du Brésil. Plusieurs milliers de personnes massées devant le palais présidentiel du Planalto, à Brasilia, ont ovationné la nouvelle présidente. Lula, 65 ans, a quitté le palais sous les vivats et devait regagner son domicile dans la banlieue de Sao Paulo. Malgré son départ, «Lula sera avec nous», a lancé à la foule Dilma Rousseff, laissant planer l'ombre de l'ancien ouvrier sur son mandat de quatre ans. Un peu plus tôt, elle avait prêté serment sur la Constitution brésilienne devant les députés et sénateurs et un parterre de dirigeants étrangers réunis au Congrès, devenant officiellement le 40ème président du géant sud-américain. Dans son premier discours devant le Congrès, elle s'est inscrite dans la continuité de Lula en faisant de la lutte contre la pauvreté sa première priorité. «La lutte la plus obstinée de mon gouvernement sera pour éradiquer la pauvreté extrême» qui touche encore près de 20 millions de personnes dans ce pays de 191 millions d'habitants. La nouvelle présidente a aussi mentionné l'éducation, la santé et la sécurité, comme autres priorités, promettant «un combat sans trêve contre le crime organisé» alors que le Brésil doit accueillir en 2014 le Mondial de football et deux ans plus tard les jeux Olympiques. Elle a entamé son discours en rendant hommage à Lula et en se disant honorée d'être la première femme à diriger le Brésil. «Je vais consolider l'oeuvre transformatrice du président Lula», a-t-elle affirmé. Seule note d'émotion, elle a retenu ses larmes en évoquant son passé de combattante contre la dictature militaire (1964-85). A l'âge de 19 ans, elle a passé trois ans en prison où elle a été torturée. «J'ai consacré ma jeunesse (à lutter) pour un pays plus juste, j'ai supporté des situations extrêmes. Mais je n'en ai ni remords ni rancune», a dit celle que les militaires appelaient «la Jeanne d'Arc de la subversion». Souvent présentée comme une «dame de fer», elle a souligné que ces épreuves «lui avaient donné le courage d'affronter des défis toujours plus grands. C'est avec ce courage que je vais gouverner», a-t-elle assuré. Une trentaine de personnalités étrangères, dont une dizaine de présidents latino-américains, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, le numéro deux du gouvernement français, le ministre de la Défense Alain Juppé, le Premier ministre du Portugal José Socrates et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ont assisté à la prise de fonction de la nouvelle présidente. En fin de journée, les dirigeants étrangers ont défilé pour la féliciter: le hasard a fait que le très anti-américain président vénézuélien Hugo Chavez a dû patiemment attendre son tour, juste derrière Hillary Clinton qui s'est attardée avec la nouvelle présidente, échangeant avec elle de longues poignées de main et posant pour les photographes.