Des milliers de Béninois ont été ruinés dans un vaste scandale de détournement d'épargne et demandent la comparution en justice du chef de l'Etat qu'ils accusent de complicité dans ce qu'une source proche de la présidence a qualifié d'«affaire Madoff à la béninoise». La fraude «à la chaîne de Ponzi», semblable à celle qui a valu l'an dernier 150 ans de prison à l'Américain Bernard Madoff, consistait à rémunérer les premiers investisseurs avec l'argent déposé par de nouveaux clients. Début juillet, le président Boni Yayi a limogé le ministre de l'Intérieur Armand Zinzindohoué dans le cadre de cette affaire et ordonné l'ouverture d'une enquête. Selon la Commission d'enquête nationale, 130.982 personnes, victimes de l'escroquerie, s'étaient faites inscrire au 15 août sur les listes de plaignants, après avoir souscrit des contrats d'une valeur de 70 milliards de FCFA (135 millions de dollars, 106 millions d'euros) auprès de sociétés de placement dont la principale, ICC-Services (Investment consultancy and computering services). ICC-Services, une société béninoise, promettait une rémunération de 150, voire 200%, par trimestre, avec remboursement du capital au bout d'un an de placement. Ils sont plus d'un millier à attendre leur tour, ce jour-là à Cotonou, pour se faire enregistrer auprès des agents que l'Etat a recrutés spécialement. «Ils sont d'origine et de classes diverses. Certains y ont mis l'économie de toute une vie. D'autres, responsables de services financiers, ont même pris de l'argent de leur société, d'autres encore ont emprunté de l'argent chez des usuriers ou en banque. C'est une véritable catastrophe sociale», explique Marc Vidégla, responsable d'un centre de recensement. Dans les rangs, en sueur sous un soleil de plomb, Francine Assogba, 68 ans, confie, haletante: «j'y ai mis l'économie de 30 ans de carrière d'enseignante puis quelques années de pension, je suis réduite à néant». «Aujourd'hui, je n'ai même plus de quoi me nourrir puisqu'en plus, j'ai fait un prêt à la banque qui prend systématiquement ma pension. Je suis perdue», ajoute-elle, les larmes aux yeux. Un chauffeur de taxi, Janvier Houndékon, 32 ans, renchérit: «Nous y avons cru et comment ne pas croire quand les autorités politico-administratives garantes de la morale ont elles-mêmes donné leur onction en s'affichant avec ces responsables des sociétés de placement. Et même pour certains, en invitant les gens à y déposer de l'argent. Nous avons été floués». Le président fustigé par ses opposants ! Des ministres du gouvernement béninois avaient rendu à plusieurs reprises des visites au directeur général de ICC-Services. L'organisme a participé financièrement à une manifestation publique organisée par la présidence béninoise. Aussi le principal opposant béninois, Adrien Houngbédji, a-t-il accusé en juillet le président Boni Yayi de protéger les escrocs. «Nous avons élu le chef de l'Etat pour qu'il protège le peuple (...) et non pas pour qu'il protège les escrocs. Ce faisant, il a violé son serment. Il a violé la Constitution et il doit être poursuivi devant la Haute cour de justice», a affirmé Houngbédji, à la tête d'une alliance de partis d'opposition. Mais une plainte déposée par 48 parlementaires contre Boni Yayi, pour «forfaiture et parjure», a été déclarée irrecevable pour défaut de preuve par le président du Parlement, Nathurin Nago. «Le gouvernement a fait de son mieux dans cette affaire pour prouver sa bonne foi. Nous pensons que le mal est à chercher ailleurs, au niveau de l'opposition qui crie au scandale et dont certains barons ont même des actions dans ICC-Services. C'est le voleur qui crie au voleur», a réagi Alexandre Hountondji, conseiller politique du président béninois.