Le ministre de l'Immigration, Eric Besson, a précisé mardi, comment le gouvernement comptait s'y prendre pour mettre en œuvre l'annonce de Nicolas Sarkozy sur la déchéance de la nationalité française. Interrogé sur Europe-1, le ministre a annoncé deux amendements législatifs. Contrairement aux observations de plusieurs juristes, qui soulignent que la réforme entre en contradiction avec la Constitution, Eric Besson a jugé qu'une réforme constitutionnelle était inutile. Les amendements seront introduits dans le cadre du débat, normalement le 27 septembre, sur le texte relatif à l'immigration, l'intégration et l'accès à la nationalité, «qui, pour l'essentiel, est un texte qui transpose des directives européennes», a dit le ministre. Retour à l'avant 1998 «Je vais déposer deux amendements gouvernementaux», a-t-il expliqué. Le premier concernera la déchéance de la nationalité: «il suffit de revenir à l'Etat de droit qui prévalait jusqu'en 1998: en clair, étaient passibles de déchéance de la nationalité française toutes celles et tous ceux qui avaientcommis des crimes, passibles de plus de cinq ans de prison, et qui l'avaient fait dans un délai de dix ans après l'acquisition de la nationalité», selon le ministre de l'Immigration. «On pouvait prononcer la déchéance, ça s'applique à ce qu'a dit le président de la République. On pourrait éventuellement l'élargir, les tentatives de crime ou les crimes contre les policiers, les gendarmes ou les personnes investies d'une autorité publique me paraissent incluses dans cette première définition. Mais pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, on pourrait l'ajouter, vous voyez, c'est relativement simple, il suffit de revenir à l'Etat de droit de 98, ça n'est pas anticonstitutionnel». Mais ce retour en arrière pourrait ne pas être aussi facile à mettre en œuvre. Dans une interview au Monde de mardi, Patrick Weil, historien spécialiste de l'immigration, souligne que la France a signé «sous Lionel Jospin la convention du Conseil de l'Europe qui ne permet pas de déchéance pour des motifs de droit pénal général. Cette convention la limite aux actes portant atteinte à l'intérêt majeur de l'Etat, en cas de guerre, de terrorisme ou de trahison». Patrick Weil note toutefois que cette convention a été signée, mais pas ratifiée. «Le Conseil constitutionnel aura à juger d'un éventuel retour en arrière», estime-t-il. Recours aux décrets d'opposition «Le deuxième amendement toucherait, lui, alors les enfants de la deuxième génération, nés en France», a dit Eric Besson ajoutant: «Le président de la République a dit quoi, qu'un jeune délinquant, multirécidiviste, ne devait pas automatiquement accéder à la nationalité française». Or selon lui, «ça existe» déjà. En effet aujourd'hui «quand il y a automaticité, ça n'empêche pas qu'il y ait possibilité de ce qu'on appelle des décrets d'opposition». Lui-même depuis qu'il est ministre «en charge de ces questions», a «contresigné avec le Premier ministre plusieurs décrets» qu'il lui a proposés, interdisant la nationalité française par le mariage, à des ressortissants étrangers, qui avaient eu des attitudes répréhensibles au regard de nos valeurs, en clair, qui imposaient le voile intégral à leur femme, qui leur interdisaient de parler à d'autres personnes ou de serrer la main de fonctionnaires qui n'étaient pas des femmes, etc.» Dans le nouveau cas envisagé, le ministre a estimé qu'on peut «faire exactement la même chose» sans être «obligé de changer ni la Constitution ni nos textes en vigueur». Eric Besson n'a pas fait allusion à la proposition de Brice Hortefeux, le ministre de l'Intérieur (UMP), qui souhaite étendre la déchéance de la nationalité aux responsables d'excision ou aux polygames.