Après plusieurs tentatives infructueuses, le Maroc, désigné co-hôte de l'édition 2030, va réaliser son rêve d'organiser une Coupe du monde, l'occasion aussi pour le royaume de développer son économie et d'accroître son influence via « la diplomatie du football ». Futur co-organisateur de ce Mondial avec l'Espagne et le Portugal, le royaume a su faire preuve de persévérance: premier pays africain à se porter candidat, en vue de l'édition de 1994, Rabat avait ensuite accumulé les échecs, à quatre autres reprises, voyant notamment la Coupe du monde 2010 lui filer sous le nez au profit de l'Afrique du Sud, un crève-coeur à l'époque. Ces trois décennies de frustrations seront officiellement conjurées mercredi lorsque la Fédération internationale (Fifa) approuvera la candidature des trois pays, seul dossier retenu par l'instance suprême du foot mondial. Et le Maroc salive déjà à l'avance des multiples bénéfices qu'il veut en tirer. Ce Mondial est « une opportunité unique pour accélérer la dynamique de croissance de l'économie (…), de créer davantage d'opportunités d'emplois et de permettre de développer l'attractivité touristique », a commenté Fouzi Lekjaa, le président du Comité Coupe du monde 2030, lors d'un récent conseil des ministres présidé par le roi. Le Maroc, pays de 38 millions d'habitants, a enregistré un taux de croissance de 2,8% et un taux de chômage de 13,6% jusqu'au troisième trimestre de 2024, selon les chiffres officiels. A l'horizon du Mondial-2030, Rabat voit toutefois grand, avec de multiples projets, dont « l'extension et la rénovation des aéroports des six villes hôtes », « l'affermissement des infrastructures routières », et « le développement des infrastructures hôtelières et commerciales », d'après un communiqué publié à l'issue du conseil des ministres. Preuve de cette ambition, outre la mise à niveau de six stades à Rabat, Casablanca, Fès, Tanger, Marrakech et Agadir, le royaume n'entend pas laisser à l'Espagne ou au Portugal le luxe d'accueillir la future finale de l'épreuve, avec un argument de poids: la construction d'un stade de 115.000 places à Benslimane, près de Casablanca, pour un budget de 480 millions d'euros. Mais l'ambition du Maroc ne s'arrête pas au seul secteur économique, et si les infrastructures du Mondial « seront un héritage », le pays d'Afrique du Nord a compris l'importance du sport dans la promotion de son image, relève le chercheur en politiques sportives, Moncef El Yazghi. Un point de vue partagé par le sociologue spécialisé dans les sciences du sport Abderrahim Bourquia, pour qui la co-organisation du Mondial permettra aussi « d'associer le Maroc aux valeurs dites +positives+ du sport, de qualité de vie et de confiance », à un moment où le royaume cherche à étendre encore davantage son influence, notamment sur le continent. Pays historiquement ouvert, notamment sur l'Europe, le Maroc s'est en effet orienté depuis une décennie vers l'Afrique subsaharienne, où de multiples investissements ont été lancés et où sa présence a été significativement renforcée. Depuis son retour dans l'Union africaine en 2017, instance qu'elle avait quittée quatre décennies plus tôt en raison du contentieux sur le Sahara occidental, « on a assisté à une diplomatie du football à l'égard des pays du continent », souligne M. El Yazghi. Il cite ainsi les 44 accords de partenariat conclus avec des fédérations de football africaines ces dernières années. Et si un rendez-vous avait été manqué en 2015 – en raison d'une épidémie d'Ebola sur le continent -, le Maroc organisera la Coupe d'Afrique des nations (CAN) en 2025, après avoir abrité l'épreuve féminine en 2023, ainsi que plusieurs éditions de la Coupe du monde des clubs. Le royaume estime en outre que l'organisation du Mondial arrive dans un contexte diplomatique porteur, alors que plusieurs pays, dont l'Espagne, ont reconnu sa souveraineté sur le Sahara occidental, territoire qu'il contrôle majoritairement mais que lui disputent les indépendantistes du Front Polisario soutenus par l'Algérie. L'entente entre Rabat et Madrid a d'ailleurs « certainement ouvert la porte à une réflexion sur l'organisation conjointe de la Coupe du monde », note l'expert en relations internationales, Tajeddine El-Husseini. Pour ne rien gâcher, l'horizon sportif est aussi dégagé: depuis 1986 et la qualification historique des Lions de l'Atlas au 2e tour du Mondial mexicain, la sélection a grandi, au point de devenir fin 2022, au Qatar, la première nation africaine et arabe à atteindre le dernier carré. Mais une marge de progression existe encore pour le foot marocain, qui ne compte que 90.000 licenciés, selon Moncef El Yazghi. Outre l'enthousiasme croissant que devrait susciter l'organisation du Mondial, la Fédération marocaine (FRMF) a lancé en août un partenariat avec le géant mondial du phosphates OCP, afin de financer des centres de formation pour joueurs professionnels. De quoi former les futurs Yassine Bounou, Achraf Hakimi ou Hakim Ziyech, parmi les héros de l'épopée du dernier Mondial à Doha.