Ouardirhi Abdelaziz La santé mentale, voilà un sujet qui apparaît et disparaît au gré du temps, des préoccupations et priorités des différents gouvernements et des différents ministres de la santé, qui jusqu'à ce jour n'ont pas encore réussi à remédier aux différents problèmes qui émaillent la santé mentale. Il est vrai que des efforts sont consentis, des projets élaborés, mais très peu de réalisations ont pu être réellement concrétisées pour remédier aux nombreuses défaillances et dysfonctionnements que connaît la santé mentale au Maroc. En cause des budgets parfois insignifiants alloués à la santé mentale. Aujourd'hui, la donne a changé, le Maroc vit actuellement une refonte profonde de son système de santé et de protection sociale, et la santé mentale est reconnue comme un pilier essentiel du bien-être humain et nécessaire pour le développement de la société. Zoom sur la santé mentale entre acquis et perspectives. Des défaillances et des dysfonctionnements La Santé mentale a depuis plusieurs années posé de nombreux problèmes aux décideurs et responsables du département de la santé. Il faut dire que les pathologies relevant de la psychiatrie sont très fréquentes au Maroc. En effet, tous les chiffres concernant les pathologies mentales, nous apprennent qu'un Marocain sur deux présente au moins un signe relevant d'une mauvaise santé mentale. Cela va du simple aux troubles anxieux ou la dépression. Dire que les maladies psychiatriques et mentales sont nombreuses n'est pas un secret. Nous sommes tous conscients que c'est là une réalité. Les Marocains savent que c'est au niveau de la prise en charge que les choses se compliquent. Soyons honnête et disons les choses comme elles se présentent et reconnaissons que la prise en charge de la maladie mentale au Maroc reste en dessous des espérances et ne répond pas totalement aux exigences des malades. C'est un constat que tout un chacun peut aisément faire. Mais il faut dire, que tout n'est pas à mettre sur le dos du ministère de la Santé. Car cette situation est en partie due à un manque en médecins spécialistes (psychiatres). Ils ne sont pas nombreux, ceux qui s'orientent vers cette spécialité. Même chose en ce qui concerne les infirmiers spécialistes en psychiatrie. Il y a aussi l'insuffisance, voire le manque de structures adaptées pour réaliser dans de bonnes et saines conditions la prise en charge des patients et à tout cela , il faut ajouter le peu de ressources financières. Etat des lieux des maladies mentales Un Marocain sur deux présente au moins un signe relevant d'une mauvaise santé mentale, allant du simple tic nerveux à l'état d'anxiété ou à la dépression. La santé mentale au Maroc constitue un véritable problème de santé publique, comme l'ont démontré les résultats du ministère de la Santé. Près de 40% des Marocains âgés de plus de 15 ans souffrent de troubles mentaux et psychiatriques, soit 9,6 millions de citoyens. Selon les mêmes statistiques, plus de 26% des Marocains souffrent de dépression au cours de leur vie, 9% de troubles anxieux et 5,6% de troubles mentaux, alors que 1% des Marocains souffrent de schizophrénie. La dépendance à l'alcool est de 2 %, la dépendance aux substances est de 3 %, soit 2% de la population générale. Ces résultats montrent de manière très claire que les pathologies psychiatriques sont fréquentes, qu'elles touchent une large partie de la population. Une situation est inquiétante, surtout quant on sait que l'offre de soins concernant la santé psychique et mentale est en deçà des besoins réels de notre population. Un psychiatre pour 100.000 Habitants Plusieurs facteurs interviennent dans la situation actuelle de la prise en charge des maladies psychiatriques et mentales. En premier lieu, les consultations spécialisées de santé mentale au niveau des établissements de soins de santé de base (ESSB) ne sont réalisées qu'au sein d'une centaine d'établissements. Il y a 34 établissements de santé mentale qui totalisent une capacité litière de 2330 lits, soit une moyenne de 6,64 lits pour 100.000 habitants. Une réalité qui se traduit sur le terrain par une capacité litière insuffisante pour une population estimée à plus de 40 millions d'habitants. Il y a des régions qui ne disposent pas de structures de prise en charge de la maladie mentale. Autre indicateur clé concernant les pathologies relevant de la psychiatrie et qui sont très parlant, le secteur souffre d'un manque flagrant de médecins spécialisés. En effet, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb, avait lui-même souligné à la Chambre des représentants que le Maroc souffre d'une pénurie sévère de psychiatres. Le secteur compte près de 450 psychiatres, répartis sur les secteurs privé et public, soit un médecin pour 100.000 habitants, alors que l'Organisation mondiale de la santé préconise un taux de couverture de 1,7 médecin pour 100.000 habitants. Les professionnels de santé soignants sont estimés à 1.460 infirmières et infirmiers spécialisés en santé mentale. Un plan ambitieux pour remédier à la situation Il faut reconnaitre que face à ce constat, le professeur Ait Taleb, ministre de la Santé et de la protection sociale n'a jamais caché sa préoccupation à l'égard de la situation dans laquelle se trouve la santé mentale, où tout ou presque est à refaire. Dans ce sens, le département de la santé a élaboré un plan national stratégique multisectoriel pour la santé mentale qui s'étalera sur la période entre 2024 et 2030. Pour faire face au problème de manque de ressources humaines, il est prévu l'augmentation du nombre des spécialistes des maladies mentales, grâce à la formation chaque année de 30 psychiatres ainsi que 10 pédopsychiatre, de même la formation de près de 200 infirmiers spécialisés dans les soins en psychiatrie. Ce plan se fixe aussi comme objectif de créer de nouveaux établissements de santé mentale pour la prise en charge de malades souffrant de troubles mentaux. Tous concernés par la santé mentale Au-delà de ce constat très peu reluisant dans lequel se trouve la santé mentale, il faut reconnaitre que le financement reste en dessous des besoins. Il n'y a pas de miracle pour améliorer, développer la santé mentale au Maroc, il faut des moyens. Il faut espérer que l'actuel gouvernement saura trouver les solutions adaptées. En attendant, il faut agir et mettre en place une stratégie pour assurer à tous les malades une benne prise en charge. Je demeure convaincu qu'avec de la bonne volonté, une implication de tous les décideurs, et responsables, ainsi que les professionnels de santé, on peut réussir à mettre à la disposition de nos citoyens qui présentent des pathologies psychiatriques et mentales, des services ou l'humanisation des soins est une réalité vécue au quotidien, des espaces de vie où le malade est pris en charge par des équipes qui ont à cœur la santé des citoyens . La santé mentale est reconnue comme un pilier essentiel du bien-être humain et nécessaire pour le développement de la société. Le Maroc vit actuellement une refonte profonde de son système de santé et de protection sociale. En conclusion, il est utile de rappeler ici ce que la santé mentale, mais aussi les facteurs qui l'influencent. La santé mentale correspond à un état de bien-être mental qui nous permet de faire face aux sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie au sein de sa famille, de son milieu de travail, cercle d'amis entre autres. Elle a une valeur en soi et en tant que facteur favorable, et fait partie intégrante de notre bien-être. Divers facteurs personnels, familiaux, sociaux et structurels influencent notre santé mentale à chaque instant, et peuvent aussi bien la protéger que la compromettre. Bien que la plupart des gens soient résilients, être confronté à des circonstances difficiles, telles que la pauvreté, la violence, le handicap ou les inégalités, la stigmatisation, augmente le risque de développer un problème de santé mentale.