Le temps ne semble pas avoir de prise sur Shelly-Ann Fraser-Pryce : à 35 ans, la légende du sprint a fusé vers un cinquième sacre mondial historique sur 100 m pour monter sur la plus haute marche d'un podium 100% jamaïcain à Eugene (Oregon) dimanche. Longue chevelure jaune et verte couleur Jamaïque, Fraser-Pryce s'est imposée en 10 sec 67 –jamais personne n'avait couru aussi vite en finale mondiale– devant Shericka Jackson (10.73) et Elaine Thompson-Herah (10.81), la double championne olympique en titre du 100 m et du 200 m. « C'est mon cinquième titre mondial sur 100 m, et il arrive à 35 ans, oui j'ai bien dit 35 ans! », a souri la petite Caribéenne, triple championne olympique et désormais décuple championne du monde, encore attendue au départ du 200 m et du 4×100 m dans l'Oregon. « Je crois dur comme fer que je suis capable de courir plus vite, et comme j'y crois, je ne m'arrêterai pas tant que je ne l'aurai pas fait », a-t-elle affirmé. « Je travaille dur, je suis assidue, déterminée, et j'en veux toujours plus ». Cette cinquième médaille d'or mondiale sur la course reine (après 2009, 2013, 2015 et 2019) ouvre à celle qui est surnommée « Pocket Rocket » (la « Fusée de poche ») les portes de deux clubs hyper select. Elle rejoint le perchiste ukrainien Sergueï Bubka, le lanceur de disque allemand Lars Riedel et le lanceur de marteau polonais Pawel Fajdel parmi les athlètes quintuples champions du monde dans une même épreuve individuelle. Elle est ainsi la première à réussir une telle performance sur la piste. Et en ajoutant à ses cinq ors mondiaux sur 100 m celui du 200 m conquis en 2013, soit six titres mondiaux individuels, elle se fait aussi une place aux côtés de Bubka, encore, de l'icône américaine Michael Johnson et du fondeur britannique Mo Farah. Seul son compatriote Usain Bolt a fait mieux, avec sept couronnes mondiales sur 100 m et 200 m. Fraser-Pryce, c'est aussi la longévité exceptionnelle d'une athlète devenue mère à l'été 2017 d'un petit garçon, Zyon, et revenue au plus haut niveau, saluée par une autre légende, Allyson Felix. « 35 ans! Mère! 10 sec 67! Cinquième titre mondial! », a tweeté l'Américaine de 36 ans, l'athlète la plus décorée de l'histoire aux Mondiaux avec 19 médailles. « J'espère que, comme Allyson, je vais servir d'inspiration pour montrer aux femmes que vous pouvez réussir après trente ans, qu'après trente ans rien ne vous limite », a répondu la Jamaïcaine. Fraser-Pryce en est elle à douze médailles mondiales, dont dix en or. Plus devancée que par Felix, et deux de ses compatriotes, Bolt et Merlene Ottey, quatorze chacun. Surtout, son premier titre mondial date d'il y a treize ans. Mieux encore, le premier de ses deux ors olympiques individuels, tous les deux conquis sur la ligne droite, remonte à quatorze ans en arrière, en 2008 à Pékin. A 35 ans, Fraser-Pryce est la championne du monde du 100 m la plus âgée de l'histoire, femmes et hommes confondus. Sur la piste du Hayward Field vendredi soir, elle a répondu, avec Jackson et Thompson-Herah, au triplé américain réalisé sur la même distance par les sprinters américains, Fred Kerley en tête, 24 heures plus tôt. « On ne pouvait pas les laisser nous voler la vedette! », a-t-elle souri. Jamais une nation n'avait trusté le podium mondial du 100 m féminin. « 1 2 3 », a tweeté Bolt en accompagnant son message de trois drapeaux jamaïcains. Les trois fusées jamaïcaines avaient toutefois déjà signé la même performance dans le plus prestigieux des rendez-vous, aux Jeux olympiques, l'été dernier à Tokyo. Dans un ordre différent, avec Thompson-Herah devant Fraser-Pryce et Jackson. Les trois autres finales de la soirée ont souri aux athlètes américains, qui ont raflé sept des neuf médailles en jeu sur 110 m haies, au lancer du poids hommes et au saut à la perche femmes. Grant Holloway (13.03) a conservé l'or mondial du 110 m haies devant Trey Cunningham. Au poids Ryan Crouser a pris la tête d'un autre triplé US, devant Joe Kovacs et Josh Awotunde. Et Katie Nageotte a devancé Sandi Morris au nombre d'essais (4,85 m) à la perche.