Il ressort du communiqué du parquet ouzbek, en date du 4 Juillet, que les troubles qui avaient mis face à face, vendredi et samedi derniers, manifestants anti-gouvernementaux et forces de sécurité dans le nord-ouest de l'Ouzbékistan – un pays où aucune opposition n'est tolérée – et qui s'étaient soldées par la mort de 18 personnes, vont faire l'objet d'une enquête pour «attaque contre l'ordre constitutionnel du pays». Mais si la garde nationale ouzbèque a, de son côté, fait état de 243 blessés, force est de reconnaître que le déroulé des évènements reste, tout de même, très flou car, durant l'affrontement, les autorités avaient coupé l'essentiel des moyens de communication si bien que les rares vidéos qui ont fuité, sur les réseaux sociaux, ont montré un certain nombre de personnes blessées et inconscientes. Frontalier de l'Afghanistan et étant, avec ses 35 millions d'habitants, l'Etat le plus peuplé des anciennes républiques soviétiques de l'Asie centrale, l'Ouzbékistan est un Etat autoritaire qui, depuis son accession à l'indépendance, après la chute de l'URSS, n'a jamais laissé émerger d'opposition. C'est à ce titre que les manifestations qui avaient éclaté, en 2005, à Andijan, dans l'est du pays et qui avaient été réprimées dans le sang, par le président Islam Karimov, avaient coûté la vie à plusieurs centaines de personnes. A la mort de ce dernier, en 2016, c'est son Premier ministre, Chavkat Mirzioïev qui, en lui succédant, mènera d'importantes réformes économiques et sociales et promettra de mettre en place des mesures visant la libéralisation politique. Mais, après avoir été réélu, l'année dernière, le président ouzbek cherche, désormais, à réformer la Constitution pour pouvoir se maintenir au pouvoir pour quelques années encore. Aussi, est-ce pour dénoncer un projet de réforme constitutionnelle réduisant fortement l'autonomie du Karakalpakistan, une région pauvre du nord-ouest du pays, que les ouzbèques sont descendus en masse dans les rues de Noukous, la capitale de la région. Or, après avoir accusé les organisateurs de ce soulèvement de « se cacher derrière des slogans » politiques pour chercher à « prendre le contrôle des bâtiments officiels du gouvernement local » et à s'emparer des armes qui y sont entreposés, le président Chavkat Mirzioïev, pour lequel ces troubles constituent la crise interne la plus grave à laquelle il ait eu à faire face depuis son accession à la tête du pays, a décrété, à compter de samedi, un Etat d'urgence pour une durée d'un mois tout en promettant, néanmoins, de retirer les amendements constitutionnels décriés. Ainsi, après le Kazakhstan qui, en Janvier dernier, avait écrasé un vaste mouvement de contestation qui avait fait plus de 230 morts alors même que ce pays était considéré jusqu'alors comme étant le plus stable et le plus prospère de la région, ce nouvel épisode de violence qui ébranle l'Ouzbékistan vient s'ajouter à la longue liste de heurts, d'émeutes et d'affrontements qui secouent régulièrement les cinq anciennes républiques soviétiques d'Asie Centrale que sont le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Turkménistan et le Tadjikistan et sur lesquelles la Russie exerce encore une grande influence… Mais si le Tadjikistan et le Kirghizistan s'affrontent très souvent à leur frontière commune pour des questions liées principalement à l'accès à l'eau, il y a lieu de signaler, également, que du fait de sa situation au carrefour entre l'Asie du Sud, la Chine, l'Europe et la Russie et du fait qu'elle dispose de vastes ressources naturelles (hydrocarbures et minerais, notamment), la région suscite les convoitises de la Russie qui estime que ces pays appartiennent à son pré-carré, de la Chine mais aussi de l'Occident. Enfin, si le Kremlin, qui est un allié traditionnel de Tachkent, a jugé que les évènements de Noukous sont «une affaire interne», l'Union Européenne, qui avait toujours encouragé les efforts de réformes entreprises ces dernières années en Ouzbékistan, a regretté « les pertes en vies humaines», appelé à une «enquête transparente et indépendante», salué le fait que le chef de l'Etat ait renoncé aux amendements controversés et invité ce dernier à « garantir les droits humains ». Mais de quoi donc demain sera-t-il fait en Ouzbékistan ?