Entretien avec M'hammed Lamrani Alaoui, cofondateur de «Idémania» Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef La société d'investissement dans les industries culturelles et créatives, «Idémania» a fait l'événement en organisant,du 16 au 21 mai au Théâtre national Mohammed V, la première édition de la semaine culturelle « Rabat Creative ». Cet événement culturel et artistique à succès a mis à l'honneur la diversité et la richesse culturelle et créative de la ville de Rabat à travers des expositions d'arts plastiques, de photographies et de livres. Pour M'hammed Lamrani Alaoui, cofondateur de Idémania, l'initiative privée peut avoir un impact très important sur le secteur culturel. «Nous croyons fortement que le partenariat public-privé dans ce secteur sera un accélérateur des chantiers ouverts », a-t-il affirmé. Et d'ajouter : « nous souhaitons aussi que la réussite d'Idémania stimule les jeunes à entreprendre dans le secteur des industries culturelles et créatives.» Selon lui, l'Homme devait être au cœur de l'entreprise. «Pour nos entreprises d'aujourd'hui, la ressource humaine et la culture peuvent être considérés, comme une source d'innovation.», a-t-il fait savoir. Entretien. Al Bayane : vous êtes l'un des fondateurs de la société d'investissement dans les industries culturelles et créatives, «Idémania». Parler nous un peu de cette structure : comment a-t-elle été créée, et quels sont ses objectifs ? M'hammed Lamrani Alaoui : j'ai cofondé Idémania avec Moncef Menouni par suite d'un processus d'activités culturelles que nous menions avec passion à titre personnel. Nous avions après souhaité profiter de notre expérience entrepreneuriale pour créer une structure qui investit le champ culturel de façon professionnelle, avec une approche méthodologique rigoureuse s'appuyant sur les bonnes pratiques managériales de gestion de projets. Idémania a pour vocation la production, l'organisation et la promotion des activités culturelles et créatives en privilégiant l'innovation professionnelle et intellectuelle. Ses objectifs sont :Explorer des modèles économiques viables pour les investissements culturels ; Contribuer à la promotion de la richesse culturelle et patrimoniale du Maroc ; Initier les enfants, les adolescents et les jeunes à l'amour du savoir et des arts et au développement de leur désir général d'apprendre à penser et à créer ; Inciter les entreprises marocaines à intégrer la dimension culturelle et artistique dans l'élaboration de leurs stratégies ; Explorer toute idée innovante venant à enrichir le champ culturel et artistique et répondant à des attentes déclarées ou enfouies du citoyen marocain ; La première édition de la semaine culturelle « Rabat Creative », tenue du 16 au 21 mai au Théâtre national Mohammed V, a mis à l'honneur la diversité et la richesse culturelle et créative de la ville de Rabat à travers des expositions d'arts plastiques, de photographies et de livres. Quel bilan faites-vous de cet événement culturel ? Je tiens à remercier le théâtre national Mohammed V, notre partenaire pour l'organisation de cet événement culturel. Le bilan est très satisfaisant au regard de la participation active et de l'engouement qu'a suscité l'événement. La richesse du programme était un facteur de succès indéniable. Rabat Creative, c'étaient des expositions d'arts plastiques et de photos de grands artistes, de livres et des expositions de jeunes créateurs qui présentaient le fruit de leur innovation. Rabat Creative, c'est aussi un panel de tables rondes dont la présentation du livre du Docteur Robert Chastel « RABAT du Maroc Antique de Chella à Mohammed VI » et la conférence animée par l'écrivain Abdelhay Sadiq sur «la traduction, lien des cultures». Nous n'avons pas oublié les enfants avec un atelier sur le dessin artistique sur tablettes. Un moment très fort de Rabat Creative est la conférence du philosophe François Jullien dans la grande salle du théâtre national Mohammed V et qui a connu une participation insoupçonnée et a suscité des débats passionnants. La thématique était« Dé coïncidence pour rouvrir des possibles ». Et je pense que des possibles s'ouvrent à nous ! Effectivement, la conférence du penseur, helléniste et sinologue français, François Jullien était l'un des moments forts de cette édition, où les amoureux de la philosophie et de la sagesse ont afflué nombreux au Théâtre national Mohammed V. En fait, comment expliquez-vous cette soif de culture et surtout de la pensée, surtout dans un monde marqué par la montée en puissance du populisme ? Cette soif ne s'explique pas, elle se lit ! Et elle était bien perceptible tout au long de la semaine Rabat Creative. Rappelons tout l'héritage culturel de notre pays et dont je suis très fier. Dans le domaine culturel marocain, prenons en considération les transformations silencieuses, comme développé par François Jullien dans ses concepts, « elle fait voir autrement le même paysage : ce qui émerge sous forme d'un « événement » ne serait-il pas le résultat d'une longue et lente accumulation de transitions infimes?» Rabat, capitale de la culture, est une ville dynamique au niveau culturel et artistique. Or, peut-on parler d'une réelle politique culturelle de cette ville ? Et quels sont les rôles des structures telles « Idémania» dans la promotion de la culture et des arts, sachant que notre pays a mis les jalons les chantiers structurants des industries culturelles et créatives ? Vous avez raison de souligner le dynamisme culturel de la capitale. Rabat est une ville universitaire propice à l'innovation et à l'ouverture culturelle, et c'est une des raisons qui ont motivé le choix de la thématique Rabat Creative des Creative Days by Idémania. Néanmoins, nous devons penser aussi au développement culturel des autres villes du Maroc. Les chantiers des industries culturelles et créatives et le dynamisme du ministère de tutelle offrent aujourd'hui, un cadre propice pour le développement des activités culturelles. Mais n'oublions pas les déficits importants que nous avons cumulés en termes d'investissements, de structures et de ressources humaines et aussi le faible budget alloué au secteur. Idémania et à travers des événements comme Rabat creative démontre que l'initiative privée peut avoir un impact très important. Elle ne se substitue pas à la politique publique, elle amène un souffle supplémentaire et fait bouger les lignes. Nous croyons fortement que le partenariat public-privé dans ce secteur sera un accélérateur des chantiers ouverts. Nous souhaitons aussi que la réussite d'Idémania stimule les jeunes à entreprendre dans le secteur des industries culturelles et créatives. Cela est une grande transformation, faisons tout pour qu'elle s'opère. Quels sont vos projets artistiques et culturels à venir ? Nous sommes en cours d'édition de la traduction en arabe du livre « Les pensées philosophiques » du philosophe André Comte Sponville. Un vraisupport pédagogique. D'autres traductions de livres du philosophe André Comte Sponville suivront dans le cadre d'un accord que nous avons signé avec la grande maison d'édition Albin Michel. Nous travaillons aussi sur l'écriture et l'édition d'un livre «Pensées philosophiques sur l'éducation ».Nous pensons que lire des textes des grands penseurs sur l'éducation, c'est porter un regard à la fois pénétrant et vaste sur les pensées des lumières, mais aussi critique et informé. Dans la première partie du livre, nous avons recueilli des billets d'acteurs de la société civile. Ils ont livré leur réflexion et leur point de vue sur le sujet de l'éducation et le résultat s'avère original et instructif. Nous avons aussi travaillé sur une offre culturelle pour Entreprise. Nous sommes convaincus que le management des entreprises gagnerait beaucoup en mettant l'Homme au cœur de l'entreprise et la Culture. Pour nos entreprises d'aujourd'hui, la ressource humaine et la culture peuvent être considérées, comme une source d'innovation. Idémania propose une offre culturelle variée, incluant entre autres, des conférences de philosophie, des ateliers d'art plastique, des projections de films dans l'entreprise avec débat et principalement des films marocains en présence de leur metteur en scènes ou réalisateur ; et bien d'autres activités. Le meilleur est à venir, Idémania est avant tout un esprit qui n'est autre que « la passion pour les idées » pour ne pas dire «la folie des idées».