Funérailles de Shireen Abu Akleh Des milliers de Palestiniens ont enterré vendredi à Jérusalem Shireen Abu Akleh, l'une de leurs journalistes vedettes tuée d'une balle dans la tête deux jours plus tôt en Cisjordanie occupée alors qu'elle couvrait un raid israélien. L'Union européenne a condamné l'usage disproportionné de la force et le comportement irrespectueux de la police israélienne à l'encontre des participants au cortège funèbre », selon son chef de la diplomatie Josep Borrell. Du côté de Washington, « nous avons été profondément troublés de voir les images de l'intrusion de la police israélienne au sein du cortège funéraire » de la journaliste, a dit le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken dans un communiqué. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit lui aussi « profondément troublé » par le comportement « de certains policiers » israéliens, et son « trouble » concerne également les « affrontements entre les forces de sécurité israéliennes et les Palestiniens rassemblés à l'hôpital Saint-Joseph », a indiqué un porte-parole, Farhan Haq. A la sortie du cercueil de cet hôpital Al-Qods Acharif, ville occupé et annexé par l'Etat hébreu, la police israélienne a fait irruption dans l'enceinte de l'établissement et tenté de disperser une foule brandissant des drapeaux palestiniens. Le cercueil a failli tomber des mains des porteurs bousculés par des policiers mais a été rattrapé in extremis, selon des images retransmises par des télévisions locales qui montrent également les policiers faisant usage de matraques. « Si vous n'arrêtez pas ces chants nationalistes, nous devrons vous disperser en utilisant la force et nous empêcherons les funérailles d'avoir lieu », a déclaré dans un mégaphone un policier israélien en direction de la foule, selon une vidéo diffusée par la police. D'après le Croissant-Rouge palestinien, 33 personnes ont été blessées lors des funérailles. La police israélienne a fait état de six arrestations. Mercredi, la journaliste américano-palestinienne d'Al Jazeera, la TV du Qatar, a été tuée d'une balle dans la tête alors qu'elle couvrait un raid militaire mené par les forces d'occupation israéliennes dans le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. Elle portait un gilet pare-balles siglé « presse » et un casque de reportage. Dans un premier temps, Israël a affirmé qu'elle avait « probablement » succombé à un tir palestinien. Mais l'Etat hébreu a ensuite dit ne pas écarter que la balle ait été tirée par ses soldats. L'Autorité palestinienne, Al Jazeera et le gouvernement du Qatar ont accusé l'armée israélienne de l'avoir tuée. La représentation française à Jérusalem a qualifié de « profondément choquantes » les « violences policières » à l'hôpital Saint-Joseph. « Les forces d'occupation ne se sont pas contentées de tuer Shireen (…) mais elles ont terrorisé ceux qui l'ont accompagnée vers sa dernière demeure », ont affirmé les Affaires étrangères du Qatar. Après l'intervention de la police, la foule a accompagné le cercueil vers une église de la Vieille Ville où une messe a été prononcée, avant de se rendre au cimetière. Les funérailles de la journaliste de 51 ans ont eu lieu alors que de nouveaux heurts se sont produits dans et près de Jénine. Dans le camp de réfugiés de Jénine, 13 Palestiniens ont été blessés, selon le ministère de la Santé palestinien. Le décès de Shireen Abu Akleh a suscité une vague d'émotion dans les Territoires palestiniens, dans le monde arabe où ses reportages ont été suivis pendant plus de deux décennies, en Europe et aux Etats-Unis. Plusieurs appels à une enquête « transparente » ont été lancés. Selon un communiqué du bureau du procureur palestinien à Ramallah en Cisjordanie vendredi, « les premiers résultats de l'enquête sur le lieu du crime ont montré que la seule origine du tir était les forces d'occupation » israéliennes. Avant lui, l'armée israélienne a indiqué qu'il n'était pas possible de déterminer dans l'immédiat l'origine du tir d'après les résultats préliminaires de son enquête. Le tir pouvait aussi bien être d'origine palestinienne qu'israélienne, selon elle. Le président palestinien Mahmoud Abbas a refusé une enquête conjointe avec Israël. « Les autorités israéliennes ont commis ce crime et nous ne leur faisons pas confiance. » Des protestations contre la mort de la journaliste ont eu lieu dans plusieurs pays et dans les Territoires palestiniens. Sur le toit d'un immeuble de la place centrale de Ramallah en Cisjordanie, l'immense panneau publicitaire affiche désormais un portrait de la journaliste, accompagné d'un sobre message: « Au revoir Shireen, au revoir la voix de la Palestine ».