Droit international du travail Par Ahmed Bouharrou 2ème partie Les représentants des travailleurs Les normes internationales du travail accordent des facilités aux représentants des organisations professionnelles d'agents publics et des organisations des travailleurs des entreprises pour leur permettre d'exercer leurs mandats.Dans ce sens l'article 6-1 de la convention n° 151 disposeque « Des facilités doivent être accordées aux représentants des organisations d'agents publics reconnues, de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions aussi bien pendant leurs heures de travail qu'en dehors de celles-ci. ». Elle précise par le paragraphe de l'article que « l'octroi de telles facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l'administration ou du service intéressé. Concernant les facilités ç accorder aux syndicats des travailleurs du secteur privé, l'article 2-1 de la convention n° 135 que « des facilités doivent être accordées, dans l'entreprise, aux représentants des travailleurs, de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions. ». Cet article précise qu'il doit être tenu compte des caractéristiques du système de relations professionnelles prévalant dans le pays ainsi que des besoins, de l'importance et des possibilités de l'entreprise intéressée et que cet octroi de telles facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l'entreprise intéressée. Dans sa partie IV, relative aux faciliter paragraphe 9, la recommandation 143 sur les représentants des travailleurs, il est prévu que « des facilités devraient être accordées, dans l'entreprise, aux représentants des travailleurs, de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions » que « l'octroi de telles facilités ne devrait pas entraver le fonctionnement efficace de l'entreprise intéressée ». La protection contre le licenciement pour des raisons syndicales est instituée par l'article 5 de la convention n° 158 sur le licenciement Cet article énumère les motifs qui ne sont pas valables et qui ne peuvent pas justifier le licenciement. Ala tète de la liste de ces motifs, l'article cite : « l'affiliation syndicale ou la participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures du travail ». Les autres motifs non valables sont : « Le fait de solliciter, d'exercer ou d'avoir exercé un mandat de représentation des travailleurs ; Le fait d'avoir déposé une plainte ou participé à des procédures engagées contre un employeur en raison de violations alléguées de la législation, ou présenté un recours devant les autorités administratives compétentes ; La race, la couleur, le sexe, l'état matrimonial, les responsabilités familiales, la grossesse, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale ; L'absence du travail pendant le congé de maternité » En cas d'existence à la fois des représentants syndicaux et de représentants élus comme le souligne la convention n°135 et la recommandation n° 143 et les législations, il convient d'éviter d'utiliser les seconds contre les premiers et de les traiter de manière discriminatoire. Il se peut qu'en cas d'existence des représentants des salariés élus et de représentants syndicaux au sein de mêmes entreprises, des employeurs peuvent privilégier les représentants élus (délégués des salariés) au détriment des syndicats de travailleurs. Pour prévenir ce traitement inégalitaire qui revêt une forme discriminatoire , la convention n° 135 dispose dans son article 5 que « lorsqu'une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d'une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d'autre part. ». Dans le même sens, la recommandation internationale du travail n° 143 sur les représentants des travailleurs adoptée en 1971 annonce que « 4. Lorsqu'une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devraient être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d'une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d'autre part. La convention n° 87 prohibe toute ingérence visant à limiter le droit syndical ou à entraver son exercice. Dans ce sens, l'article 3 dispose que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ou entraver l'exercice du droit des organisations professionnelles d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action. Force est de conclure que le fait d'influencer la liberté d'élaborer les statuts, les règlements intérieurs et l'élection libre des représentants syndicaux par les autorités publiques ou par les employeurs sont des actes d'ingérences condamnables. De manière générale, et dans un souci de protection de l'exercice du droit syndical, la convention n° 87 dispose dans l'article 11 que « tout Membre de l'Organisation internationale du Travail pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d'assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical. Si la convention n°87 protège contre les ingérences dans la création, l'organisation et le fonctionnement des syndicats du coté des pouvoirs publics, la convention n° 98 interdit par l'article 2 paragr. les actes d'ingérence des organisations professionnelles les unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. Aux sens de cette convention « sont notamment assimilées à des actes d'ingérence au sens du présent article des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs »[1]. La convention n° 151 affirme elle aussi, par l'article 5 l'interdiction de l'ingérence dans les organisations syndicales des agents publics. Elle dispose dans le premier paragraphe que « les organisations d'agents publics doivent jouir d'une complète indépendance à l'égard des autorités publiques. » et protège par le deuxième paragraphe les organisations d'agents publics contre tous actes d'ingérence des autorités publiques dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. Enfin, elle assimile aux actes d'ingérence, les « mesures tendant à promouvoir la création d'organisations d'agents publics dominées par une autorité publique, ou à soutenir des organisations d'agents publics par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'une autorité publique » (paragr. 3). Il « résulte de ces dispositions que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale tant au moment de l'embauche que pendant la relation d'emploi »[2]. Les mécanismes et les procédures protecteurs des libertés syndicales notamment en matière de discriminations syndicales auxquels fait allusion l'article 3 de la convention n°98 précitée « peuvent être de prévention, de réparation et s'accompagner éventuellement de sanctions pénales »[3]. Quelles sont les formes et les manifestations des discriminations syndicales ? Les manifestations En dépit des prohibitions des discriminations antisyndicales[4] , il existe des pratiques antisyndicales dans l'emploi et le travail dont cératines sont énumérées par les normes internationales et par les législations nationales. Les législations syndicales évoluées incriminent les discriminations syndicales et énumèrent leurs formes et manifestations. Le code du travail marocain interdit par l'article 9 à l'egard des salariés toute discrimination fondée sur «l'affiliation syndicale » qui viole ou altère « le principe d'égalité des chances ou de traitement sur un pied d'égalité en matière d'emploi ou d'exercice d'une profession, notamment, en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, le salaire, l'avancement, l'octroi des avantages sociaux, les mesures disciplinaires et le licenciement.» Cet article précise qu'il « découle notamment des dispositions précédentes (...), l'interdiction de toute mesure discriminatoire fondée sur l'affiliation ou l'activité syndicale des salariés ». L'article 428 du même code incrimine l'entrave à l'exercice du droit syndical par une personne physique ou morale sans définir contenu ni les manifestations de cette entrave. En France, le Préambule de la Constitution de 1946 affirme que « tout Homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » et que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». Le code du travail garantit l'exercice de la liberté syndicale. L'article L. 1132-1 de ce code institue un principe général de non-discrimination dans les relations professionnelles en vertu duquel aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de ses activités syndicales. L'article L. 2141-5 du même code précise la portée et l'étendue de la prohibition spécifique des discriminations syndicales. A cet, l'employeur ne peut pas prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour fonder ses décisions en matière de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de résiliation du contrat de travail. En 2008, le législateur a adopté la loi n° 2008-496, du 27 mai, modifiée en 2017 pour garantir l'effectivité de l'interdiction des discriminations et assurer le respect des engagements internationaux de la France dans ce domaine. Cette loi comporte diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire relatif à la lutte contre les discriminations. S'agissant des formes de discrimination, l'article premier de la loi cite notamment la discrimination directe[5], et la discrimination indirecte la discrimination indirecte[6]. Le code pénal français incrimine lui aussi les discriminations antisyndicales et les assortit de sanctions pénales. Les discriminations selon le CLS Le Comité de la liberté syndicale de l'OIT (CLS) a examiné depuis sa création plus de 3300 cas relatif à la liberté syndicale. Ses décisions, ses recommandations et ses principes constituent un cadre référentiel pour les législations et les pratiques en matière des libertés syndicales en général dont les questions des discriminations antisyndicales. Dans le domaine des discriminations antisyndicales, le comité de la liberté syndicale a compilé une panoplie de principes visant à les combattre. L'apport du Comité comprend les principes généraux et énumère les formes de discrimination, Les principes : le Comité de la liberté syndicale considère que « la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu'elle peut compromettre l'existence même des syndicats »[7]. Il juge que « des actes ayant pour but de subordonner l'emploi d'un travailleur ou une travailleuse à la condition qu'il ou elle ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat constituent une violation de l'article 1 de la convention n° 98 »[8]. En effet nul ne devrait faire l'objet d'une discrimination pour raisons syndicales, c'est-à-, dire, d'avoir exercé des activités syndicales légitimes dans le passé ou dans le présent. Il estime que « du fait que des garanties inadéquates contre les actes de discrimination, notamment contre les licenciements, peuvent conduire à la disparition des syndicats[9] ». Par souci de lutte contre les discrimination syndicales, le comité considère qu'« une protection contre des actes de discrimination antisyndicale ne paraitrait pas suffisante si un employeur pouvait recourir à la sous-traitance comme moyen d'échapper, dans la pratique, aux droits à la liberté syndicale et de négociation collective »[10].Les cas de discrimination antisyndicale doivent être traités de manière rapide et efficace selon le comité. Les formes de discrimination : les actes de discriminationpour raisons antisyndicalespeuvent prendre différentes manifestations. Elles englobent le licenciement, la réduction des effectifs, les représailles, la suspension des salariés et sont prises contre les travailleurs en tant qu'actes discriminatoires antisyndicaux. Les discriminations antisyndicales peuvent être des « discriminations à l'embauche » ; des « discriminations en cours d'emploi » (non-renouvellement d'un contrat d'emploi ; renouvellement des contrats à durée indéterminée pendant plusieurs années, les « licenciements discriminatoires » pour raisons syndicales. Le harcèlement et les manœuvres d'intimidation provenant des employeurs et ciblant les syndicalistes constituent eux aussi des formes discriminatoires.