En matière de coups de force et de coups d'Etat, le continent africain détient la palme d'or car depuis que les anciennes puissances occupantes ont plié bagages, il ne se passe pas une année sans qu'un pays africain ne soit ébranlé par une tentative de prise du pouvoir par la force. Ainsi, après le Mali d'Ibrahim Babakar Keita, la Guinée d'Alpha Condé et, la semaine dernière, le Burkina-Faso de Roch Marc Christian Kaboré, c'est la Guinée-Bissau qui a fait l'objet, ce mardi, d'une tentative de coup d'Etat. Frontalière du Sénégal et de la Guinée, la Guinée-Bissau, petit pays d'environs 2 millions d'habitants, est habituée aux coups de force politiques puisqu'elle a connu 4 coups d'Etat depuis qu'en 1974, elle avait arraché son indépendance, au Portugal, après une longue guerre de libération. Ayant vécu son dernier coup d'Etat en 2012, le pays s'était engagé, depuis lors, vers un retour à l'ordre constitutionnel mais ceci ne l'a pas, pour autant, préservé de turbulences à répétition bien qu'étant sans violence car si la Guinée-Bissau, pâtit d'une corruption endémique, elle sert, également, de plaque tournante au trafic de cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe et les forces armées y jouent un rôle prééminent, depuis qu'en 2020, Umaro Sissoco Embalo, un ancien général, s'était emparé du pouvoir à l'issu d'un scrutin dont le résultat est toujours contesté par le Parti Africain pour l'Indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC), en revêtant délibérément l'écharpe présidentielle et en s'installant au Palais présidentiel en dépit de la persistance de la contestation. Si la Guinée-Bissau a vécu une multitude de tentatives manquées, la dernière en date a donc eu lieu ce mardi 1er Février 2022 en début d'après-midi, lorsque, selon certains témoignages, un groupe d'hommes armés ont fait irruption dans le palais du gouvernement, un complexe abritant plusieurs ministères et situé non loin de l'aéroport à la périphérie de la capitale, au moment même où devait s'y tenir un conseil des ministres extraordinaire en présence du Chef de l'Etat et de son Premier ministre . Des tirs d'armes à feu ayant été entendus pendant une bonne partie de l'après-midi, les alentours du complexe ont été le théâtre de mouvements de panique lorsque des hommes lourdement armés avaient encerclé le quartier sans que l'on sache ni s'il s'agissait de mutins ni s'ils appartenaient aux forces loyales au pouvoir. Que s'est-il passé, par la suite, à l'intérieur du palais et quelle est l'identité des auteurs du coup de force ? Rien n'a filtré et aucun bilan fiable sur les éventuelles victimes n'a été communiqué. Tout ce que l'on sait c'est qu'après une journée pleine de confusions et de zones d'ombre, le président Umaro Sissoco Embalo a tenu à rassurer ses compatriotes en leur signalant que son gouvernement contrôlait la situation. A l'étranger, l'Union Africaine a déclaré suivre «avec une grande inquiétude la situation» et, en condamnant cette «tentative de coup d'Etat», la Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a demandé, aux militaires, de «retourner dans leurs casernes» et le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a réclamé « l'arrêt immédiat » des combats à Bissau et « le plein respect des institutions démocratiques du pays ». Enfin, sans désigner clairement les auteurs de ce coup de force, le chef de l'Etat l'a attribué aux « décisions [qu'il a] prises notamment [en faveur de] la lutte contre le narcotrafic et la corruption » et ajouté que « les assaillants auraient pu (lui) parler avant ces évènements sanglants ayant fait plusieurs blessés graves et des morts ». S'il est donc certain à l'heure qu'il est que cette tentative de coup d'Etat a échoué, rien, cependant, n'a encore été dit ni sur ses auteurs ni sur ses commanditaires, alors attendons pour voir...