L'ancien Premier ministre et principal leader sunnite libanais Saad Hariri a annoncé lundi son retrait de la vie politique, à quatre mois d'élections cruciales, évoquant notamment « l'influence iranienne » sur le pays, le « désordre sur la scène internationale » et les « divisions internes ». Le quinquagénaire, propulsé sur la scène politique après l'assassinat de son père, l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, en 2005, a annoncé sa décision lors d'un bref discours prononcé à Beyrouth. Cette annonce intervient après une série de revers financiers et politiques au cours des dernières années, tandis que le Liban est frappé par la pire crise socio-économique de son histoire. « Je suspends ma participation à la vie politique et invite ma famille politique au sein du Courant du Futur à suivre ma voie », a-t-il déclaré, appelant sa formation à ne pas présenter de candidats aux élections législatives prévues en mai. M. Hariri a déploré qu'il n'y avait « aucune possibilité positive pour le Liban à l'ombre de l'influence iranienne sur le pays, du désordre sur la scène internationale, des divisions internes, du confessionnalisme et du délitement de l'Etat ». L'Arabie saoudite était autrefois le principal allié régional de M. Hariri, avant que leurs relations ne se détériorent au cours des dernières années, Ryad estimant qu'il était trop complaisant envers le puissant mouvement chiite pro-iranien Hezbollah. La crispation de ses relations avec l'Arabie saoudite a constitué un tournant dans sa carrière politique. Le 4 novembre 2017, Saad Hariri a annoncé sa démission depuis Ryad, dénonçant l'impact négatif du Hezbollah sur le Liban. Son annonce avait suscité l'indignation au Liban même chez ses adversaires à l'époque qui ont dénoncé une décision dictée par l'Arabie saoudite et accusé Ryad de le retenir en « otage ». Saad Hariri a quitté Ryad plus de deux semaines après sa démission et une intervention de la France. Poids lourd de la politique libanaise, le Hezbollah est armé et financé par l'Iran, grand rival régional de l'Arabie saoudite, et représente la seule faction libanaise à avoir gardé ses armes après la guerre civile (1975-1990). Au Liban, abonné aux crises politiques à répétition, M. Hariri a déjà dirigé trois gouvernements. Depuis son accession au pouvoir pour la première fois en 2009, il s'est peu à peu forgé une réputation d'homme de compromis. Il a présenté sa troisième démission environ deux semaines après le début des manifestations populaires contre la classe politique le 17 octobre 2019. Malgré sa nomination le 22 octobre 2020 pour former le gouvernement, il n'a pas pu aller au bout de sa mission du fait du ressentiment populaire et des divisions politiques. Lors des dernières élections de 2018, qui ont consolidé l'influence du Hezbollah, le nombre de sièges du bloc parlementaire de M. Hariri a diminué d'environ un tiers. Certains ont lié la baisse de sa popularité aux concessions politiques qu'il a faites, qui, selon lui, visaient à préserver la paix civile. « Il ne fait aucun doute que pour éviter une guerre civile, j'ai dû faire des compromis », a déclaré Saad Hariri. « Ce souci a guidé tous mes pas, m'a fait perdre ma fortune personnelle, ainsi que certains amis à l'étranger et beaucoup d'alliés, même des frères », a-t-il ajouté.