Nabil EL BOUSAADI Deux années après cette crise sociale sans précédent qui avait profondément secoué le pays et laissé des traces indélébiles dans la société, quinze millions de chiliens ont été appelés, ce dimanche, à choisir, parmi les sept candidats en lice, celui qui succèdera au président conservateur, Sebastian Pinera, 71 ans, qui, après deux mandats, ne peut plus se représenter et devra donc quitter le pouvoir sur une bien mauvaise note puisque sa côte de popularité qui est au plus bas atteint à peine 12%. S'adressant à ses concitoyens, le président sortant les a exhortés à accomplir leur devoir électoral dès lors que tous les différents peuvent être résolus « de manière pacifique » et que « toutes les opinions comptent ». Mais, d'après les derniers sondages, deux candidats émergent du lot puisqu'ils sont crédités d'environ un quart des intentions de vote bien qu'ils soient hors de ces coalitions de droite et de centre-gauche qui ont pris les rênes du pays depuis la chute de la dictature d'Augusto Pinochet (1973 à 1990). Il s'agit, d'un côté, de Gabriel Boric, 35 ans, un ancien leader étudiant représentant la coalition de gauche « Apruebo dignidad » qui comprend les communistes et pour lequel « l'essentiel (est que) beaucoup de gens puissent se rendre aux urnes et que chacun puisse s'exprimer librement » et, de l'autre, de Jose Antonio Kast, un avocat de 55 ans, qui dirige le Parti Républicain, extrême-droite, et qui semble avoir grandement profité de l'impopularité du gouvernement sortant. Mais, bien que le leader étudiant qui a été aussi le plus jeune candidat présidentiel de l'histoire du Chili, avait de très fortes chances de profiter de l'aspiration d'une importante frange de la population à plus d'égalité sociale, à une réforme du régime privé des retraites et à une présence plus accrue de l'Etat dans ces secteurs-clés que sont l'Education et la Santé, la récente montée de l'extrême-droite face à la hausse de la criminalité et de l'immigration illégale a fini par conférer la victoire au candidat du Parti Républicain en lui attribuant 27,95% des suffrages exprimés alors que l'ancien leader étudiant n'en a recueilli que 25,71%. Vu que les deux candidats vont devoir s'affronter au deuxième tour, le quotidien « La Tercera », a considéré qu'« il s'agit d'un moment important » pour les deux hommes dans la mesure où ils appartiennent tous deux « à des formations différentes des deux forces politiques [de droite et de centre-gauche] qui, depuis le retour à la démocratie au Chili, dirigeaient le pays ». Mais s'il est sûr que le résultat de ce dimanche confirme le recul des partis traditionnels après la révolte sociale qui avait secoué le pays deux années auparavant lorsque des dizaines de milliers de chiliens étaient descendus dans la rue pour réclamer une société plus juste dans un pays qui reste parmi les plus inégalitaires du monde, il n'est pas à exclure que le Parti Républicain pourrait fort bien remporter le deuxième tour du scrutin et donner ainsi, l'occasion, au Chili, de retomber dans l'escarcelle de l'extrême-droite trois décennies après en être sorti mais attendons pour voir…