Nabil EL BOUSAADI S'estimant potentiellement menacées par le mécanisme de « conditionnalité » récemment mis en place, par l'Union européenne, à l'effet de suspendre ou de réduire le versement de fonds à tout Etat qui serait accusé d'avoir violé, de quelque manière que ce soit, les principes de l'Etat de droit, la Hongrie et la Pologne qui ont souvent été traduites devant la Cour de Luxembourg pour des atteintes à l'Etat de droit et qui craignent, de ce fait, d'être écartés du bénéfice des fonds européens, ont fait front commun, ce lundi 11 Octobre, devant la justice européenne pour réclamer l'annulation pure et simple de ce dispositif. Considérant comme étant attentatoires, aux intérêts financiers de l'Union, les conflits d'intérêts et le manque d'indépendance de la justice, l'UE entend exclure de la liste des bénéficiaires des dons européens tout pays qui s'en rendrait coupable. Pour contester la légalité de ce mécanisme, Varsovie estime que non seulement il constitue une modification des traités mais qu'il n'apporte pas, par ailleurs, les garanties nécessaires d'objectivité et d'impartialité alors que Budapest estime, de son côté, que les comportements et les situations susceptibles d'être sanctionnés ne sont pas clairement définis ; ce qui va incontestablement créer une insécurité juridique. Dans sa « plaidoirie », la représentante de la Pologne, Sylwia Zyrek, en est arrivé jusqu'à contester la légitimité de la Cour de Luxembourg – arbitre des litiges pouvant survenir entre les 27 et les institutions de l'UE – en déclarant que le mode même de la désignation de ses juges par les Etats « s'écarte du principe de séparation des pouvoirs ». Dénonçant le « mécanisme de conditionnalité », le représentant de la Hongrie, Miklos Zoltan Feher, a estimé, pour sa part, que les violations de l'Etat de droit et le budget de l'UE « doivent être examinés séparément ». Mais, en considérant que « le respect de l'Etat de droit est une condition essentielle à une bonne gestion financière », le représentant du Parlement européen, Tamas Lukacsi, a tenu à préciser que le dispositif contesté par Varsovie et Budapest vise « à protéger le budget de l'Union » qui s'élève à plus de 1.000 milliards d'euros sur 7 ans et Alicja Sikora-Kaleda, la représentante du Conseil de l'Europe, estime, de son côté, que le mécanisme contesté par la Pologne et la Hongrie joue un « rôle fondamental » dans la « mise en œuvre des objectifs politiques » de l'UE. Mais, bien que les Etats-membres aient accepté, en décembre dernier, d'attendre l'avis de la Cour de Justice sur ce mécanisme avant que la Commission européenne n'y ait recours, les euro-députés ont menacé de poursuivre la Commission si elle tarde à le mettre en œuvre alors même que cette procédure devra être validée par les Etats-membres à la majorité avant d'être traduite par une réduction des financements. Or, certaines sources proches de l'UE affirment, néanmoins, que, face à autant de pression, il y a de très fortes chances pour que la Commission européenne lance incessamment cette procédure. Il y a lieu de signaler, enfin, que cette audience se tient quelques jours à peine après que la plus haute juridiction polonaise – proche du parti nationaliste conservateur au pouvoir – ait rendu un arrêt ayant l'aspect d'une véritable déclaration de guerre à l'encontre de la primauté du droit européen et mettant en cause la compétence de la Cour de Justice de l'Union européenne. Au vu de tout cela, la validation des plans de relance de la Pologne et de la Hongrie va-t-elle être bloquée pour non-respect, par ces dernières, des principes de l'Etat de droit ? Tout porte à le croire mais attendons pour voir...