C'est une première depuis les malheureux évènements de la place Tien An Men de 1989. Ce lundi 22 mars, l'Union Européenne a sanctionné la Chine pour la persécution des musulmans Ouïghours dans la région du Xinjiang, au nord-ouest du pays. Au cours de cette séance de travail, les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont approuvé l'inscription de quatre dirigeants chinois et d'une entité de la région du Xinjiang – le Bureau de la sécurité publique du corps de production et de construction du Xinjiang – sur la liste des sanctions pour violation des droits humains créé en décembre 2020. Ce nouveau cadre dont s'est dotée l'UE et qui s'inspire de la loi « Magnitski » a été utilisé, pour la première fois, début-mars, au titre des sanctions qui furent imposées à des hauts fonctionnaires impliquées dans l'arrestation et l'emprisonnement de l'opposant russe Alexeï Navalny. Les quatre personnalités chinoises concernées qui ne pourront plus fouler le sol européen et dont les avoirs détenus dans l'UE seront, désormais, gelés sont Chen Mingguo, le directeur du Bureau de la sécurité publique du Xinjiang, Zhu Hailun, l'ancien responsable de cette province ainsi que Wang Mingshan et Wang Junzheng. Ils sont tous accusés de « graves atteintes aux droits de l'homme », de « détentions arbitraires et traitements dégradants » et, enfin, « d'atteintes systématiques à la liberté religieuse » d'Ouïghours et de membres d'autres minorités ethniques musulmanes. Mais si l'Union européenne a pris ces sanctions en concertation avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni et que ces derniers ont immédiatement annoncé avoir pris des mesures similaires à l'encontre de l'empire du milieu, il y a lieu de préciser qu'outre la Chine, les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont également sanctionné, ce lundi, la Corée du Nord, la Libye, la Russie, l'Erythrée et le Soudan du Sud mais, également, onze personnalités birmanes dont le chef de la junte militaire au pouvoir, le Général Min Aung Hlaing, le président de la commission électorale et neuf des plus hauts gradés de la Tatmadaw, armée birmane. Pour rappel, selon les rapports élaborés par diverses organisations internationales de défense des droits humains, plus d'un million d'Ouïghours et plusieurs milliers de membres d'autres minorités majoritairement musulmanes sont passés ou croupissent encore, à ce jour, dans des camps d'internement au Xinjiang où des travaux forcés sont imposés à tous les « pensionnaires » et où les femmes sont soumises à une stérilisation forcée. La réponse chinoise ne s'est pas fait attendre. Considérant que « cette décision qui ne repose sur rien d'autre que des mensonges et de la désinformation, ignore et déforme les faits » et ne constitue qu'une ingérence « grossière » dans ses affaires, le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré, ce lundi, « s'y opposer fermement et la condamner vivement ». Aussi, à titre de représailles, Pékin a immédiatement sanctionné dix personnalités européennes parmi lesquelles plusieurs membres du Parlement européen au motif qu'ils auraient « gravement porté atteinte à la souveraineté et aux intérêts de la Chine et propagé des mensonges et de la désinformation ». Les autorité »s chinoises ont donc interdit aux intéressés ainsi qu'aux membres de leurs familles de séjourner en Chine, à Hong Kong et à Macao. Faisant partie des personnes visées par cette interdiction, l'eurodéputé français Raphaël Glucksmann, qui a fait de la défense des Ouïghours son cheval de bataille, s'est déclaré honoré de faire l'objet d'une telle sanction allant même jusqu'à l'assimiler à une « légion d'honneur » qu'il aurait obtenu pour s'être rangé du côté du peuple Ouïghour. Au vu de tout cela, la Chine va-t-elle être finir par mettre de l'eau dans son vin pour éviter de se mettre à dos aussi bien l'Union européenne que ses alliés d'outre atlantique qui semblent être prêts à dégainer en sa direction ? Difficile tant le dossier Ouïghour est lourd et épineux mais attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI