Contrairement à nombre de ses pairs africains, le président du Niger, Mahamadou Issoufou, n'a point voulu contrevenir aux dispositions constitutionnelles lui interdisant de postuler pour un troisième mandat et ce, avec l'espoir de parvenir à faire, de sa passation de pouvoir à un successeur démocratiquement élu, la « plus belle réalisation de (son) mandat et une première dans l'histoire » d'un pays qui, depuis son indépendance, en 1960, a fait l'objet de 4 coups d'Etat et n'a jamais connu de transition apaisée entre deux présidents démocratiquement élus. Mais le projet du président Issoufou semble avoir du plomb dans l'aile car, ce mardi, le vent de la contestation s'est levé et des troubles ont éclaté à Niamey et dans d'autres villes du pays dès que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé que le candidat proche du pouvoir Mohamed Bazoum, représentant le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS), a obtenu 55,75% des suffrages au 2ème tour de l'élection présidentielle du 21 février dernier. Contestant ce résultat et dénonçant de nombreuses irrégularités, le représentant de l'opposition Mahamane Ousmane, premier président démocratiquement élu au Niger en 1993, a immédiatement revendiqué la victoire. Il ira même jusqu'à déclarer que, dans certains bureaux de vote, les délégués de l'opposition auraient « été contraints, sous la menace d'armes à feu, de signer les PV sans aucune possibilité de porter des observations » et qu'à Agadez, dans la circonscription de Timia, la situation aurait atteint le summum du ridicule et de l'aberration lorsque les autorités ont annoncé qu'après que le taux de participation ait été (tenez-vous, bien !) de 103%, le candidat du pouvoir a raflé 99% des suffrages. Balayant ces accusations d'un simple revers de manche, le candidat du PNDS et vainqueur de cette élection s'est contenté de rappeler qu'en cas de doutes sur les scores annoncés par la CENI, il appartient à l'opposition de transmettre, à la Cour Constitutionnelle, tous les « éléments de preuves » dont elle dispose. Ainsi, les très vives tensions ayant fait suite à la proclamation des résultats de la dernière élection présidentielle au Niger se sont soldées par la mort de deux personnes – l'une par balles et l'autre des suites d'une crise d'épilepsie – et par l'arrestation de 468 personnes parmi lesquelles «certains hommes politiques». Lors de ces troubles, il y a eu « des destructions d'infrastructures et de biens publics et privés » comme ce fut le cas pour le domicile de Moussa Kaka , le correspondant de Radio-France Internationale (RFI) à Niamey, qui a été vandalisé et incendié. C'est ce qui ressort d'une déclaration faite à la presse, ce jeudi, par le ministre de l'intérieur Alkache Alhada. Accusé, par le pouvoir, d'être à l'origine des troubles qui ont suivi la proclamation des résultats, Amadou Hama, le principal opposant au pouvoir nigérien qui, en soutenant Mahamane Ousmane durant sa campagne électorale s'en était pris, en des termes très violents, aux origines arabes de Mohamed Bazoum – ce qui le rend passible de poursuites pénales – se serait rendu, de lui-même, vendredi matin, à la police de Niamey pour y être entendu. La transition politique apaisée que le président Mahamadou Issoufou appelait de tous ses vœux est-elle réellement tombée à l'eau ? Il semble bien que ce soit le cas puisque, pour l'heure, rien n'indique que le passage du flambeau « présidentiel » a encore des chances d'avoir lieu dans un climat de concorde et de paix mais attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI