La République du Niger peut, à juste titre, s'enorgueillir d'avoir remporté deux victoires au même moment. En effet, la première a trait au fait que le président Mahamadou Issoufou, à la tête du pays depuis 2011, a tenu parole en ne transgressant pas, comme bon nombre de ses homologues africains, la Constitution qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels en passant démocratiquement le témoin à son successeur ; ce qui constitue une grande victoire et une importante avancée sur le chemin de la démocratie – et la seconde a été concrétisée par le fait qu'en dépit de l'insécurité que les jihadistes du Boko Haram font planer sur le pays, les nigériens ne se sont pas fait prier pour prendre la direction des bureaux de vote lors des deux tours de l'élection présidentielle les 27 décembre et 21 février derniers afin de conférer à ce scrutin un taux de participation de 62,91%. En ne participant pas à cette élection, le président Mahamadou Issoufou a laissé sa place à son ancien ministre de l'Intérieur. Candidat du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS) – le parti au pouvoir – Mohamed Bazoum a recueilli 39,33 % des suffrages au premier tour et 55,75% des voix ce dimanche, se plaçant bien loin devant Mahamane Ousmane, le candidat de l'opposition, qui n'a recueilli, quant à lui, que 44,25% des suffrages. Mais si ces chiffres restent provisoires tant qu'ils n'ont pas été validés par la Cour Constitutionnelle et que ceci ne sera pas fait avant plusieurs semaines, la mission d'observation de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD) a « exhorté tous les candidats en lice à respecter les résultats issus des urnes et à recourir aux procédures et aux voies légales pour le règlement de tout contentieux ». Or, bien que la CEN-SAD avait reconnu que le scrutin s'était déroulé dans « des conditions satisfaisantes » la tension est montée d'un cran lorsqu'à Niamey, à l'annonce des résultats, plusieurs partisans de l'opposition étaient descendus dans la rue et que le deuxième tour de cette élection a été endeuillé par la mort de 8 agents électoraux – 7 dans la région de Tillabéri et 1 dans la région de Diffa – après l'explosion d'une mine ; un « acte barbare » dont l'objectif est d'instaurer une « dictature moyen-âgeuse » aux dires du ministre de l'Intérieur, Alkache Alhada, qui a promis que le pays ne cèdera pas « aux menaces terroristes » d'autan plus que ce scrutin marque la première transition pacifique entre deux chefs d'Etat démocratiquement élus au Niger ; ce qui fut une promesse de l'ancien chef de l'Etat Mahamadou Issoufou qui s'est dit « fier d'être le premier président démocratiquement élu de l'histoire du Niger à pouvoir passer le relais à un autre président démocratiquement élu ». « C'est une victoire pour la démocratie nigérienne » dira un ministre contacté par « Jeune Afrique » Raison pour laquelle, lors de leur visite à la présidence de la République, les représentants des missions d'observation électorale de la CEDEAO et de l'Union africaine notamment ont félicité le président Mahamadou Issoufou car, en ne se présentant pas à cette élection, il a donné une leçon à tous ses homologues africains. Ces derniers vont-ils suivre ses pas et arrêter leurs malheureuses « présidences à vie » pour le bien de l'Afrique et des africains ? Peu probable au vu de la détermination de bon nombre d'entre eux à s'accrocher au pouvoir au point de ne le quitter que les pieds devant mais attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI