Figure emblématique du Hirak Le parquet algérien a requis lundi une lourde peine de trois ans d'emprisonnement à l'encontre de l'opposant politique Karim Tabbou, une figure centrale du mouvement de contestation né en février 2019, a annoncé un des ses avocats. Le verdict sera prononcé le 7 décembre. Tabbou, 47 ans, était poursuivi pour «atteinte au moral de l'armée», à la suite de déclarations critiquant le régime et l'armée en mai 2019 au cours d'un rassemblement à Kherrata (nord-est), un fief du mouvement opposé au régime baptisé Hirak. Arrêté le 26 septembre 2019, il a été emprisonné pendant neuf mois avant de bénéficier d'une libération conditionnelle le 2 juillet dernier. Le procès de Karim Tabbou, qui a comparu libre, s'est déroulé lundi devant le tribunal de Kolea, près d'Alger. Il avait déjà été repoussé à de nombreuses reprises depuis le début avril en raison de l'épidémie provoquée par le coronavirus. Le procureur a réclamé trois ans de prison ferme et une amende de 100.000 dinars (650 euros) à l'encontre de l'opposant, a précisé Me Zoubida Assoul sur sa page Facebook. Dans une autre affaire, Karim Tabbou avait été condamné en appel le 24 mars à un an de prison ferme pour «atteinte à l'intégrité du territoire national», en raison d'une vidéo parue sur la page Facebook de son parti dans laquelle il critiquait l'intrusion de l'armée dans les affaires politiques. Chef d'un petit parti d'opposition non agréé par les autorités, l'Union démocratique et sociale (UDS), Karim Tabbou est l'un des visages les plus connus du Hirak, sinon le plus populaire. Son portrait était régulièrement brandi pendant les manifestations hebdomadaires contre le pouvoir en Algérie jusqu'à leur suspension en mars dernier en liaison avec la crise sanitaire. M. Tabbou est récemment revenu sur le devant de la scène politique en reprochant avec virulence au président français Emmanuel Macron son soutien à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, exprimé dans un entretien avec l'hebdomadaire Jeune Afrique qui a soulevé un tollé dans les rangs de l'opposition algérienne. Dans une lettre publiée sur sa page Facebook, M. Tabbou a fustigé «la mauvaise foi» et «l'hypocrisie politique» de M. Macron, accusé de cautionner «un pouvoir arrogant qui emprisonne des journalistes, bafoue les libertés publiques et soumet la justice à son diktat». En pleine crise sanitaire, les autorités multiplie les détentions et les poursuites à l'encontre de militants, de journalistes et de blogueurs afin, selon les opposants, d'empêcher une reprise du Hirak. A Mostaganem (nord-ouest), une militante, Dalila Touat, la porte-parole des chômeurs de la ville, a été condamnée lundi à deux ans de prison ferme, sans mandat de dépôt. Elle était accusée d'avoir incité ses concitoyens à s'abstenir de voter au référendum constitutionnel du 1er novembre et pour «outrage à fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions», selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de solidarité avec les prisonniers d'opinion. La révision constitutionnelle a été approuvée avec le taux de participation électoral le plus bas (23,84%) de l'histoire de l'Algérie. Quelque 90 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles. Des poursuites fondées, pour beaucoup, sur des publications sur Facebook critiquant les autorités, d'après le CNLD. Né en février 2019 d'un immense ras-le-bol des Algériens, le Hirak réclame un profond changement du «système» en place depuis l'indépendance en 1962. Il a provoqué le départ du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans au pouvoir.