La pandémie racontée par le cinéma marocain Par Sofia El Aouni (MAP) «Il y a bien un moment où il faut passer de l'explication à la simple description», cette citation du philosophe austro-hongrois, Ludwig Wittgenstein dans «Über Gewissheit» (De la certitude), résume parfaitement le projet artistique de certains réalisateurs, qui se sont lancés dans une aventure créative, orchestrée par la crise sanitaire du coronavirus. En effet, l'ensemble de l'industrie cinématographique, dont les salles et la production, a été victime d'un cruel coup d'arrêt, accompagné d'importantes répercussions économiques. Certes, cette situation exclusive a mis à nu les lacunes d'un système mondial déjà fragilisé, mais il a aussi permis de nourrir une créativité humaine capable de contourner les restrictions sanitaires. Le cinéma marocain s'est lui aussi inscrit dans cette dynamique. C'est ainsi que six cinéastes marocains se sont prêtés au jeu, en offrant aux cinéphiles une nouvelle expression artistique, basée sur le seul objet démocratisé par une mondialisation effrénée : le téléphone portable. Une crise sanitaire commune exprimée et vécue par six différents regards à savoir «Distance» de Mohamed Mouftakir, «Arbres» de Faouzi Bensaidi, «Carte-postale en temps de Corona» de Tala Hadid, «No Conclusions» de Hakim Belabbes, «Mauvais scénario» de Adil Fadili et «Quo Vidis Arcadya» de Yassine Marco Marroccu. Le Centre cinématographique marocain a contacté des cinéastes en vue de considérer leur expression artistique durant cette période, à travers une création originale dévoilée grâce à un smartphone, tout en respectant les mesures sanitaires, a indiqué, le réalisateur Mohamed Mouftakir. Cette initiative avait pour objet de célébrer la réouverture des salles de cinéma avec ces six films, a-t-il déclaré, soulignant que devant l'incertitude régnante sur le secteur, dûe au Coronavirus, le CCM a décidé d'entamer la projection sur sa plateforme. Selon le réalisateur de «L'Automne des pommiers», son œuvre «Distance» est une continuité d'une trilogie de la Covid-19. Ma première expérience similaire était «Confinement», réalisé avec un cellulaire et projeté sur internet, dans le cadre d'un autre projet». Mouftakir fait savoir que le concept «Regards» se veut un partage d'un vécu et une exploration de l'expression artistique, en utilisant des supports à la portée de main. Il a également dévoilé qu'un troisième court métrage, tourné dans le même esprit, est en «gestation» et portera le titre de «Rencontre». Dans la même veine, le réalisateur Adil El fadili a confié que «Regards» est un concept «intéressant» permettant de marquer cette période particulière que traverse l'humanité. Participant avec son film «Mauvais scénario», Adil El Fadili a relevé que cette expérience cellulaire a été concrétisée avec "les moyens de bords" en joignant ses enfants au projet. «En tant qu'artiste, je vivais comme tout le monde le confinement, je voulais m'exprimer à travers l'art pour raconter et partager mon propre vécu», a-t-il dit. Pour ce réalisateur chevronné, le cinéma doit garder sa magie esthétique et visuelle, sans tomber dans les films tournés avec des cellulaires. «Je suis une personne classique, qui regarde les films sur grand écran, réalisés avec d'importants moyens avec une identité et un certain regard». Promoteur de l'initiative "Regards" lancée durant la période du confinement, le CCM a depuis lundi 09 novembre 2020, entamé la mise en ligne sur sa plateforme, toutes les 48 heures, des six courts métrages participants, qui s'étale jusqu'au 19 novembre 2020.