La crise des Rohingyas désigne le conflit armé, cette «guerre oubliée» qui se déroule dans l'Etat d'Arakan, en Birmanie, entre l'armée régulière birmane dite «Tatmadaw» et l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan dite «Arakan Army» et qui a valu au gouvernement birman les accusations de génocide. Ce conflit qui perdure depuis le rattachement, à la Birmanie, en 1948, de ces supplétifs «musulmans» de l'armée britannique vus, par les indépendantistes birmans, comme étant des traîtres et ravalés, à ce titre, au rang de citoyens de seconde zone, apatrides, sans ressources et sans soutien, a fait, depuis 2016, plusieurs milliers de morts et contraint quelques 725.000 rohingyas à se réfugier à l'étranger, notamment dans des campements de fortune au Bangladesh voisin. N'ayant fait l'objet d'aucun répit malgré la pandémie du coronavirus, ce conflit aurait même connu une escalade inquiétante ces derniers temps. Evoquant une intensification des combats dans les Etats de Rakhin et de Chin entre les deux «armées» précitées, des témoignages font état du déplacement d'au moins 90.000 personnes et de combats meurtriers avec le recours à l'aviation et à l'artillerie lourde. Les images satellites dévoilées par Amnesty International, à l'appui de son dernier rapport en date de ce lundi, révèlent l'ampleur des attaques commises contre les populations musulmanes qui, en septembre dernier, avaient détruit les villages de Taung Pauk et de Hpa Yar Paung selon cet invariable modus operandi comprenant tirs, incendies, tortures, disparitions, exécutions sommaires et politique de la terre brûlée qui a poussé leurs 500 résidents à trouver refuge dans la ville voisine de Kyauktaw au centre de l'Etat de Rakhine. Mais si le bureau des affaires humanitaires de l'ONU a fait état du déplacement, entre janvier 2019 et le 7 septembre dernier, de plus de 89.500 personnes qui furent contraintes de quitter 180 villages arakanais et chin, l'ONG «Rakhine Ethnic Congress» basée à Sittwe, évoque, de son côté, le chiffre de 160.000 rohingyas venus s'ajouter à leurs 130.000 compatriotes qui, selon Human Rights Watch, sont parqués, depuis 2012, dans des «camps-prison à ciel ouvert». Cette situation avait poussé, d'une part, Michelle Bachelet, la Haute Commissaire des Nations-Unies aux droits de l'homme, à déclarer que les attaques perpétrées par la Tatmadaw contre des civils peuvent «constituer de nouveaux crimes de guerre ou même des crimes contre l'humanité» et, d'autre part, Yanghee Lee, la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la situation des droits de l'Homme, à réclamer l'ouverture d'une enquête sur les exactions commises dans les Etats de Rakhine et Chin et sur les combats menés par les deux protagonistes à la suite desquelles des dizaines de personnes ont été tuées, plusieurs autres ont été soumises à des tortures, à des exécutions extrajudiciaires ainsi qu'à une privation de soins et d'aide humanitaire et plus de 40.000 déplacées. Mais s'il est vrai que ces chiffres font peur, il ne faut pas, néanmoins, oublier que le confinement imposé par la pandémie du nouveau coronavirus, la coupure du réseau de l'internet mobile et les difficultés d'accès à une région «mise sous cloche» par le pouvoir birman ces trois dernières années empêchent d'avoir une image exacte de ce qui se passe dans cette zone. De quoi donc demain sera-t-il fait dans les Etats de Rakhine et de Chin en Birmanie ? Attendons, pour voir...