Si la crise sanitaire mondiale qui a affecté la planète a mis les chancelleries du monde entier en effervescence, l'opposition hongroise a été doublement ébranlée lorsque le Premier ministre Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, s'est mis en tête de faire passer un projet de loi qui lui permettrait de prolonger, pour une durée indéterminée, l'état d'urgence décrété le 11 mars dernier dans le cadre de la lutte contre le coronavirus mais qui, dans la foulée, lui confèrerait, également, des pouvoirs législatifs quasi-illimités. Par ce projet de loi, qui devrait être adopté lundi 30 ou mardi 31 mars et qui criminalise aussi bien la diffusion des «fake-news», ces informations susceptibles d'entraver ou de contrecarrer l'efficacité de l'action du gouvernement dans la lutte contre le coronavirus, que le non-respect de la quarantaine, le Premier ministre sera autorisé à prendre, par décret et jusqu'à ce que le gouvernement en décide autrement, toutes les mesures qu'il jugera nécessaires pour contenir la pandémie. Après son adoption, cette loi attribuera à Viktor Orban des pouvoirs «sans limites» donc une sorte de «chèque en blanc» qui, pour être annulé, nécessitera un vote du Parlement à la majorité des deux tiers. Il pourra, alors, par simple décret, «suspendre l'utilisation de certaines lois, s'écarter des dispositions statutaires et introduire d'autres mesures extraordinaires afin de garantir la stabilité de la vie, de la santé, la sécurité personnelle et matérielle des citoyens ainsi que de l'économie». Le texte prévoit, également, que « jusqu'au lendemain de la fin de l'urgence, aucune élection intérimaire ne sera organisée et toute élection déjà prévue sera annulée ». Il en sera de même pour les référendums. Aussi, cette proposition de loi inquiète-t-elle fortement l'opposition et certaines ONG comme le Think Tank libéral «Political Capital» qui, dans un communiqué cité par Reuters, déclare y voir l'émergence «injustifiée» d'une dictature au sein de l'Union européenne car «il n'y a pas d'explication rationnelle dans la situation actuelle pour l'extension indéfinie de l'état d'urgence». Cette critique a été rejetée, ce vendredi, par Viktor Orban, sur les ondes de la radio publique hongroise, lorsqu'il a affirmé avoir «clairement dit aux geignards et aux harceleurs européens (…) qu'il n'avait pas le temps de discuter des questions juridiques» car dès lors qu'il «y a une épidémie et des vies à sauver» et que l'Union Européenne se trouve dans l'incapacité d'apporter son aide, il appartient à cette dernière de laisser les pays concernés se défendre. Le Premier ministre hongrois en a profité pour annoncer que la Chine et une organisation internationale regroupant les états turcophones ont apporté leur aide à la Hongrie. Pour rappel, en Hongrie – pays qui a déjà fait l'objet de plusieurs enquêtes de l'U.E. pour violation des normes démocratiques – la diffusion de la presse indépendante est réduite à sa plus simple expression face à des médias officiels et à des journaux appartenant à des personnalités proches du pouvoir. Aussi, la décision de restreindre certaines informations contenue dans le nouveau projet de loi fait-elle suite aux critiques des médias indépendants et des groupes d'opposition. Ceux-ci estiment, en effet, que le gouvernement ne «communique» pas suffisamment pour taire les incohérences dans sa gestion de la crise sanitaire du Covid-19 après qu'il ait fait fermer les écoles et les frontières, limité les horaires d'ouverture des magasins et des restaurants et déployé l'armée le long des frontières sud du pays pour barrer la route aux migrants et au nord dans les localités frontalières avec la Slovaquie et l'Autriche. Enfin, au vu de la composition du Parlement hongrois, rien ne laisse supposer que le projet de loi présenté par Viktor Orban aurait une quelconque chance de ne pas être adopté mais tout indique que le Premier ministre hongrois va disposer, à partir de cette semaine, d'un véritable «chèque en blanc» pour mener, comme il l'entend, les affaires du pays. Alors, attendons pour voir…