Le 11 Février (22 bahman selon le calendrier persan) est une date importante dans l'histoire de l'Iran. Elle marque la véritable rupture politique qu'a connue le pays puisque c'est ce jour-là en 1979 – il y a 41 ans déjà ! – qu'en prenant le pouvoir après son retour d'un exil de quinze années et en chassant du pays le Chah Reza Pahlavi, l'Ayatollah Khomeini a fondé une république islamique nationaliste avec l'instauration d'une législation inspirée de la Chariâ, loi coranique, aux lieu et place du régime pro-américain et de l'Etat policier initié par son prédécesseur. Pour les célébrations du 41ème anniversaire de la Révolution islamique, ce sont donc des centaines de milliers d'iraniens qui, ce mardi, sont descendus dans la rue à Téhéran et se sont rassemblés sur la Place Azadi pour une marche longue de plusieurs kilomètres et ce, d'autant plus que ce 11 février coïncide avec le quarantième jour de l'assassinat du général Qassem Soleimani dans un bombardement américain en Irak. En brandissant des portraits du défunt chef de la force Al Qods des gardiens de la Révolution, les marcheurs scandaient, à l'unisson, les traditionnels «Mort à l'Amérique», «Mort à Israël» puis le récent «A bas le plan Trump en Palestine». Le gouvernement avait appelé les iraniens à descendre en masse dans la rue pour faire preuve d'unité après une année marquée par de violentes manifestations provoquées par l'augmentation des prix du carburant et par les tensions avec Washington. Parmi les nombreuses festivités qui ont été organisées à l'intérieur du pays et dans toutes ses représentations diplomatiques et culturelles à l'étranger au titre du renouvellement de l'allégeance avec les idéaux révolutionnaires du défunt fondateur de la République Islamique Iranienne, des marches nationales ont eu lieu ce mardi dans toutes les villes et tous les villages que compte l'Iran, des gerbes de fleurs ont été déposées dans l'enceinte du mausolée de l'Imam Khomeini par des milliers d'iraniens et des motards ont défilé le long du trajet emprunté par le défunt Imam à son retour d'exil à partir de l'aéroport de Mehr Abad. L'inauguration de plusieurs projets économiques dans diverses villes du pays et l'organisation d'évènements culturels, de tournois sportifs, d'expositions et de rencontres destinées à rendre hommage aux familles des martyrs de la Révolution constituent les différents volets des festivités qui ont marqué ce 41ème anniversaire et pour la couverture desquelles plus de 6.000 journalistes, reporters, photographes et cameramen ont été accrédités. Dans une allocution donnée en marge de ces festivités et en dénonçant le rétablissement par Washington des sanctions contre son pays, le président iranien Hassan Rohani a tenu à rappeler qu'en dépit des interdictions qui lui sont imposées, Téhéran «ne s'agenouillera pas devant les Etats-Unis» et a appelé, par ailleurs, les iraniens à participer en masse aux élections législatives qui se tiendront le 21 février prochain. Mais tout cela peut aussi être assimilé à l'arbre qui cache la forêt ou au tamis qui ferait de l'ombre au soleil car, dans les faits, la théocratie qui avait été portée au pouvoir par le soulèvement populaire de cette année 1979 et qui avait renversé la monarchie pro-occidentale du Shah a plongé le pays dans un isolement international qui dure encore. Aussi, cette jeunesse qui n'a connu que le régime des Mollahs mais qui, bousculée par les réseaux sociaux, reste avide d'ouverture et de modernité a fini par s'imposer au fil des ans en tenant tête au pouvoir en place et en s'opposant résolument à la pression exercée par un régime bien mal en point du fait des sanctions imposées au pays par Washington après le retrait unilatéral, en mai 2018, des Etats-Unis de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien. En dissuadant la plupart des investisseurs occidentaux, les restrictions économiques appliquées à l'Iran par l'administration Trump ont plongé le pays dans une crise profonde. Néanmoins et même en déclarant n'avoir tiré aucun réel bénéfice dudit accord, Téhéran n'entend point faire le jeu d'un Donald Trump qui ne cherche pas de compromis mais seulement à renverser le régime iranien. Jusqu'à quand le pouvoir des Mollahs résistera-t-il aux bras-de-fer qui l'opposent, d'une part, à Washington et ses alliés et, d'autre part, à une jeunesse iranienne en mal de liberté, d'émancipation et d'ouverture sur le monde occidental ? Attendons, pour voir…