Si les morts dans les conflits qui, depuis des décennies, embrasent le Golfe et le Proche et Moyen-Orient se comptent par dizaines de milliers et même plus sans que cela n'émeut grand monde, celle d'un certain général iranien répondant au nom de Qassem Soleimani, intervenue ce vendredi 3 janvier lorsque les forces américaines ont bombardé la capitale irakienne, semble avoir fait beaucoup plus de bruit que le bombardement qui est venu à bout de l'intéressé au vu de la brusque montée des tensions dans la région et du branle-bas de combat qui s'en est suivi dans toutes les chancelleries de la planète. Et si le président irakien Barham Saleh a appelé à «la retenue», son premier ministre démissionnaire Abdel Mahdi reste, pour sa part, convaincu que le raid américain va incontestablement «déclencher une guerre dévastatrice en Irak». Comment, en effet, pourrait-il en être autrement quand, immédiatement après les faits, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a décrété un deuil national de trois jours et promis de venger la mort de celui qui était chargé des opérations extérieures de l'Iran et que le président iranien, Hassan Rohani, s'est dit persuadé que «la grande nation d'Iran et les autres nations libres de la région prendront leur revanche sur l'Amérique criminelle pour cet horrible meurtre»? Mais qui est, au juste, le personnage tombé à Baghdad lors du bombardement américain de ce vendredi? Agé de 62 ans, cet iranien charismatique, au visage orné d'une barbe poivre et sel, qui dirigeait la force «Al Qods» des gardiens de la Révolution en charge des opérations extérieures de la République islamique était devenu, ces dernières années, une véritable star dans son pays au vu des très nombreux «followers» qui le suivaient sur son compte «Instagram» depuis qu'en 2018 il avait pris le devant de la scène en participant activement aux tractations politiques menées par Téhéran en prélude à la formation d'un gouvernement irakien. Mais il n'y a pas que çà car tant ses partisans que ses détracteurs reconnaissent le rôle important que cet officier a joué dans le combat contre les forces jihadistes devenant, ainsi, l'homme-clé de l'influence iranienne au Moyen-Orient en parvenant à renforcer le poids diplomatique de la République des Mollahs dans la région. Mais, l'homme était, aussi et surtout, la «bête noire» d'Israël et de l'organisation Etat islamique depuis qu'il avait réussi à vaincre Daech en Irak et en Syrie – deux pays où les Etats-Unis sont engagés militairement – et à le bouter hors des territoires qu'il contrôlait. C'est donc bien le général iranien tombé dans le bombardement américain de ce vendredi qui a mis en échec le rêve américano-sioniste d'un découpage de l'Irak et de la Syrie en des mini-états à base confessionnelle et ethnique; un des volets les plus importants de ce «Grand Moyen-Orient» si cher aux néoconservateurs américains et aux idéologues de l'Etat sioniste. Aussi, dès l'annonce de sa mort, le Premier ministre israélien, qui s'en est grandement réjoui, a interrompu son voyage officiel en Grèce pour rentrer à Tel-Aviv alors que Naftali Benett, le ministre israélien de la Défense, a convoqué une réunion d'urgence des chefs des services spéciaux et des différents corps de l'armée qui a été mise en état d'alerte. Ainsi, à l'issue de l'entretien téléphonique qu'il a eu avec son homologue français soucieux d'«éviter une escalade dangereuse des tensions», le président russe Vladimir Poutine a estimé que l'assassinat du général iranien risque d'«aggraver la situation» dans la région. Aussi, les deux chefs d'Etat ont-ils convenu de rester «en contact étroit» pour «éviter une escalade dangereuse des tensions». Considérant, par ailleurs, que «le monde ne peut se permettre une nouvelle guerre dans le Golfe», Antonio Guterres, le Secrétaire général de l'ONU, a demandé, de son côté, aux «dirigeants de faire preuve du maximum de retenue» alors que le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a exhorté Téhéran à éviter «une grave crise de prolifération nucléaire et que son homologue britannique, Dominic Raab, a appelé « toutes les parties à la désescalade». Enfin, l'Allemagne qui, par la voix d'Ulrike Demmer, la porte-parole de la chancellerie, a exprimé sa «grande inquiétude» préconise, pour sa part, la recherche de «solutions diplomatiques» pendant que Pékin a demandé «à toutes les parties concernées, et en particulier aux Etats-Unis, de garder leur calme et de faire preuve de retenue afin d'éviter une nouvelle escalade des tensions». Ces appels à la raison et à la retenue vont-ils être entendus aussi bien par les uns que par les autres afin de faire éviter au Golfe le terrible embrasement qui se profile à l'horizon ? Rien ne l'indique pour l'heure mais attendons pour voir…