Aujourd'hui, 9 novembre 2019, la communauté internationale commémore le 30ème anniversaire de l'effondrement du «Mur de Berlin», ce fameux ouvrage en béton d'une hauteur de 3,60 m et ponctué de nombreux miradors qui, en s'étendant sur 155 kilomètres, avait divisé en deux, pendant 28 années, non seulement la ville de Berlin ou encore le continent européen mais le monde tout entier. Après s'être alliés pour défaire le régime nazi qui s'apprêtait à dominer toute l'Europe, l'Union Soviétique d'alors et les Etats-Unis d'Amérique s'étaient livrés, en 1945, à une course effrénée pour savoir qui sera le premier à libérer la capitale allemande à telle enseigne que Berlin n'avait aucun autre choix que celui de troquer son statut de capitale contre celui de zone d'occupation quadripartite avec, d'un côté, les soviétiques qui finirent par s'emparer de plus de la moitié de la ville et de l'autre, la zone ouest elle-même divisée en trois parties avec l'américaine au sud-ouest, l'anglaise à l'ouest et la française au nord-ouest. Ainsi, avant même la construction du fameux mur, qui n'interviendra qu'en Août 1961, la ville était déjà scindée en deux et la zone ouest, d'à peine quelques kilomètres carrés, va très vite se transformer en une enclave occidentale en territoire communiste. Berlin se trouvant, en effet, à l'est du «rideau de fer» qui sépare l'Europe en deux du nord de la Finlande au sud de la Bulgarie, Staline avait essayé, une première fois de bloquer les accès à Berlin-ouest et d'obliger les occidentaux à mettre en place un pont aérien qui durera 11 mois pour ravitailler leurs troupes et les civils habitant la zone. D'ailleurs, la levée de ce blocus le 12 mai 1949 constituera la première victoire du monde occidental. Mais, en 1958 et au plus fort de la «guerre froide», Nikita Khroutchev qui fut premier secrétaire du Parti Communiste de l'Union Soviétique (PCUS) de 1953 à 1964 et président du Conseil des ministres de 1958 à 1964 avait, à nouveau, tenté de « se débarrasser de la présence ‘impérialiste' en suggérant de faire de Berlin-Ouest une zone neutre et libre ». Mal lui en prit car il fut vite confronté au problème de la fuite vers l'Allemagne de l'Ouest (RFA) via Berlin-Ouest des habitants de l'Allemagne de l'Est (RDA) dont le régime avait été miné par l'échec de la politique de planification. Trois millions d'est-allemands ayant pris le chemin de l'exil vers l'ouest et une première rencontre en mai 1961 entre le dirigeant soviétique et son homologue américain John F. Kennedy s'étant révélée infructueuse, Khroutchev prit alors la décision de faire ériger un mur pour séparer la zone soviétique des zones occidentales espérant parvenir, ainsi, à asphyxier économiquement Berlin-ouest. Ainsi, dans la nuit du 12 au 13 Août 1961, les autorités de la RDA commencèrent à couler du béton et à tendre du fil barbelé le long de la ligne de démarcation séparant la zone sous le contrôle de l'armée soviétique des zones occupées par les soldats américains, anglais et français et, un mois après, la frontière coupant Berlin en deux devint quasiment infranchissable. Pour marquer sa profonde désapprobation, le président Kennedy enverra alors 1.500 militaires américains en renfort à Berlin-Ouest si bien que le 27 Octobre 1961 et à la suite d'un contrôle à Checkpoint Charlie – l'un des derniers points de passage entre les deux côtés du Mur – des dizaines de chars américains et soviétiques s'étaient postés de part et d'autre de la frontière et que le pire fut évité de justesse. Le 26 Juin 1963, le président américain fera même le déplacement jusqu'à Berlin-ouest à l'invitation de Willy Brandt, alors maire de la ville, et prononcera, sur le parvis de l'Hôtel de ville, le célèbre discours durant lequel il avait répété, à plusieurs reprises, «Ich bin ein Berliner» (Je suis un Berlinois). Mais le mur séparant l'est et l'ouest était bien là et la guerre froide entre les deux mondes continuaient de plus belle avec son lot de morts de part et d'autre sous la houlette de toutes sortes d'agents secrets, d'agents-doubles et de mercenaires « tous azimuts ». Ce n'est qu'à partir des années 1980 que des mouvements de contestations commencèrent à voir le jour dans différents pays du bloc de l'Est. Ainsi, en RDA, la population avait même commencé à manifester contre le Parti Socialiste Unifié (SED) au pouvoir avec le soutien de Moscou. Voulant profiter de cette situation inédite, le président américain Ronald Reagan, fit une visite à Berlin-Ouest en 1987 au cours de laquelle il interpela son homologue russe Mikhaïl Gorbatchev depuis la porte de Brandebourg en ces termes : «Monsieur le Secrétaire Général Gorbatchev, si vous voulez la paix, si vous cherchez la prospérité pour l'Union Soviétique et l'Europe de l'Est, si vous voulez la libéralisation : venez ici, à cette porte ! M. Gorbatchev, ouvrez cette grille ! M. Gorbatchev, démolissez ce mur !». Le 7 Octobre 1989, ce fut au tour de Mikhaïl Gorbatchev, lui-même, déjà favorable à une ouverture avec l'ouest, d'être accueilli à l'aéroport de Berlin, par le président est-allemand Erich Honecker au titre des célébrations du 40ème anniversaire de la RDA. Profitant de la visite du dirigeant soviétique, les allemands de l'Est réclamèrent à Moscou davantage de libertés et la ville de Leipzig fut même le théâtre de grandes manifestations allant dans ce sens. Le 16 octobre 1989, le mouvement de contestation qui avait vu le jour à Leipzig fut même annoncé, pour la première fois, sur les ondes de la télévision nationale est-allemande si bien que le monde entier avait compris, à ce moment-là, que le «Mur de Berlin» commençait à se fissurer dangereusement. Le surlendemain, 18 Octobre 1989, le vieux président est-allemand, Erich Honecker, démissionne «pour raisons de santé» et laisse sa place à Egon Krenz alors que 50.000 allemands de l'est avaient déjà réussi à rejoindre l'Ouest via la Hongrie qui avait ouvert ses frontières à partir du mois de Mai. Le 4 Novembre 1989, un million de personnes se rassemblèrent à Berlin sur Alexanderplatz et, le 7, le gouvernement est-allemand, conduit par Willy Stoph depuis 1976, démissionne à son tour. Deux jours après, c'est au tour du «Mur de Berlin» de tomber véritablement sous les coups de boutoirs d'allemands des deux bords déchainés et d'entraîner, dans sa chute, tous les régimes communistes de l'Europe de l'Est. L'effondrement de cet ouvrage eût des conséquences immédiates en Bulgarie et en Roumanie et un peu plus tardives en Albanie. En Yougoslavie, où s'était exercé un socialisme à visage différent, la chute du « Mur de Berlin » avait été marquée principalement par un réveil des nationalismes et par leur « récupération » par les bureaucraties communistes des différentes républiques fédérées. S'il y a donc 30 ans aujourd'hui que le «Mur de Berlin» est tombé et que la fin de la «guerre froide» était tellement improbable qu'elle avait suscité de très grands espoirs, qu'est-ce que cet effondrement a rapporté à l'ancienne République Démocratique allemande dont la population attendait une rapide amélioration de ses conditions de vie, un changement radical du processus politique et, bien sûr, une libération? Il est vrai aujourd'hui qu'une grande partie de ce «rêve» a été concrétisée mais il n'en demeure pas moins vrai qu'étant donné qu'il est plus facile de prendre une décision politique que d'en maîtriser la réalisation, l'ancienne Allemagne de l'Est avait dû faire face à deux chocs en même temps; à savoir le changement structurel qui avait touché le monde entier avec l'avènement des nouvelles technologies dans les années 1990 mais aussi la transformation brutale de son modèle économique lequel répondait aux préceptes d'une économie planifiée à 100% et axée principalement sur la coopération avec Moscou. Ainsi, avec la chute du Mur de Berlin, c'est un ordre mondial hérité de la seconde guerre mondiale qui s'écroule, c'est la fin d'une Europe et d'un pays coupé en deux mais c'est aussi tout un système qui explose et une transition démocratique qui s'amorce de manière pacifique en Tchécoslovaquie, très violente en Roumanie et quelque peu incomplète en Russie. Enfin, avec l'effondrement du «Mur de Berlin», il n'y a plus qu'une seule Allemagne qui est, avant tout, une puissance européenne et mondiale dont la voix est écoutée avec une grande attention dans toutes les rencontres internationales et çà c'est aussi très important. Pour le reste, attendons pour voir…