Vers le milieu du 19e siècle, éclata en Californie, la fameuse ruée vers l'or qui drainait les chercheurs de la fortune de tous bords, à destination de la scierie de l'aventurier suisse Johan August Sutter. L'hystérie délirante du siècle allait, par la suite, mettre en branle toute l'Amérique, encore vierge, en afflux grossissants, au point de créer un déclic époustouflant. Aujourd'hui, l'on notera, non sans vive stupeur, cette fièvre similaire des festivals s'emparer des villes du royaume, en périodes estivales. La ruée effrénée, non pas vers l'or d'il y a presque deux cents ans au pays de l'oncle Sam, mais vers les deniers publics, fait sombrer, hélas, certaines instances représentatives dans l'absurdité la plus inouïe. La passion surexcitée vers le prestige myope se met en marche, à brides abattues, en vue de s'offrir les stars de musique de tous les goûts, en «misant» des sommes astronomiques. En ce moment de chaque année, nombre de conseils de communes, de provinces ou encore de régions se paient le luxe de se servir des contribuables faramineux en direction de ces festivités annuelles. Parfois, ces fonds sont injectés à flots, au détriment des priorités d'ordre social, à travers des opérations budgétaires peu clean, pour s'acquitter des honoraires des prestataires. Et dire que la majorité des mairies des grosses métropoles du pays est détenue par ceux qui, il y a à peine quelques années, ne se retenaient pas de s'opposer net aux dits-festivals attentatoires à la «pudeur», selon leur papotage mystificateur ! Ceci dit, cette ruade insatiable vers le luxe, à coups de milliards, puisés dans les caisses de la communauté, semble contaminer aussi les moins loties des collectivités locales. Naturellement, si on se permet de tancer rudement ces gaspillages malsains de certains conseillers, ce n'est nullement dans l'intention de déprécier l'allégresse des vagues humaines qui arpentent les artères des villes et assiègent les espaces des concerts. Loin de là, la foule a plein droit à la liesse et au plaisir du partage des instants d'euphorie ! Mais, pas aux dépens de ses droits légitimes les plus élémentaires ni aux atteintes des rentes destinées à son essor ! Le cri de gueule n'est pas non plus fomenté contre les artistes qui animent ces fêtes et dont celles-ci constituent peut-être, la seule aubaine pour joindre les deux bouts. Cette année encore, on se prépare, par-ci, par-là, à la grande ruée, depuis Mawazine, aux musiques sacrées, en passant par Gnaouas, Timitar et bien d'autres. Une ruée infernale où le fric déferle à torrent, comme avait brillé la pierraille californienne, au son de cloche du métal doré ! Le communiqué du ministère du protocole et de la chancellerie vient de mettre en garde contre la folle ruée vers la dilapidation des deniers publics, en appelant à festoyer dans le plus «normal» du monde ! Ces fous de la gâchette, auront-ils à saisir le message royal et à rengainer face à la fracture sociale qui ne cesse de sévir?