Je voudrais tout d'abord exprimer toute ma reconnaissance aux organisateurs de cette évocation solennelle d'un homme que j'ai considéré pour ma part, en matière d'économie mais en d'autres matières, comme l'un des Maghrébins dont le Maghreb dans son ensemble peut être fier. Vous me permettez, monsieur le président, de rectifier le titre avec lequel vous avez bien voulu me présenter en disant «SINACEUR de l'Unesco» SINACEUR parlant de Aziz Belal est SINACEUR d'abord d'Oujda, ce n'est pas du tout par régionalisme que je rappelle, mais tout simplement parce qu'il est difficile pour moi de parler de ma rencontre avec Aziz Belal, parce qu'on ne peut pas parler de la rencontre avec quelqu'un, qui a présidé pour ainsi dire à votre connaissance intellectuelle. Une réputation affermie avec notoriété Aziz Belal fut pour nous et je ne suis pas le seul, l'un de ces ainés dont la voie et la présence nous a touchés pour le moins depuis notre adolescence, pour ne pas remonter plus haut. Il nous précédait , pour n'évoquer qu'un stade de cette étape de notre vie dont les terminables du lycée de garçons qui nous remblaient à l'époque aussi prestigieuse qu'inaccessibles et où nous n'avions accédé, moi et ma génération ou ma génération et moi comme dit la politesse française , qu'après l'indépendance. La réputation d'Aziz Belal affermie dans la classe de philosophie avec une notoriété dont je dirai qu'elle suscitait beaucoup d'envie, exigeait déjà nos aspirations. Baillé, son professeur de philosophie lui vouait une admiration qu'on savait qu'il distribuait avec une excessive parcimonie. Je crois que ce maître, fut réellement un maître pour Aziz et qu'au-delà de l'expérience très particulière de famille qu'il a eue. Baillé a exercé sur lui une influence déterminante. Il l'initie aux idées généreuses d'une pensée ardente où dominait une préoccupation toute orientée sur la philosophie des lumières mais moins soucieuses de spéculation que d'humanisme politique et social. Un savant libérateur de la fausse science Ce fut donc pour beaucoup de jeunes lycéens à l'époque, un modèle dont le temps n'a jamais effacé le souvenir, car parti en France pour faires ses études comme c'était la règle alors, il retrouvait Oujda avec joie et discutait avec les plus doués d'entre nous couronnés de cette auréole de savoir venue de loin, de ces merveilles de connaissances qui faisaient de tous ceux qui étudiaient en France, les gardiens de biens que nous ne pouvions voir et qui nous fascinait d'autant. Et nous l'écoutions, nous l'écoutions comme l'un de ces savants libérateurs de la fausse science. Je dirai si vous me le permettiez, comme des contribuables qui écoutaient leurs éminents Cheikhs, c'est pour cela, lorsque je pense à Aziz Belal en ce temps là, un vers me haute qui est en arabe que je ne traduirais pas pour incompétence de traduction. Je ne peux saisir sans émotions en pensant à Belal de la ville où nous sommes nés. Ce que je vis avec vous en ce moment, tant de collègues et d'étudiants rassemblés pour évoquer son nom, rappeler sa pensée, perpétuer sa mémoire. C'est cela précisément le résultat de ses efforts, le résultat de sa contribution aux efforts de toute une génération, à la contribution à l'effort national de libération des intelligences et de développement d'une pensée locale mai ouverte. Nous célébrons, je crois avec fierté en lui, le penseur qui sut ouvrir la voie de nouvelles exigences. Et ces exigences, nous les résumons d'un mot qui fait slogan mais qui est vrai. C'est l'exigence de décolonisation des esprits et de décolonisation des connaissances. C'est pourquoi Aziz, formé dans les années qui ont précédé l'indépendance, n'a cessé de s'ouvrir à la culture nationale dont il était sevré parce que comme vous le savez, l'école coloniale la brunissait de notre horizon. Dans le dernier ouvrage qu'il m'a fait l'amitié de m'envoyer, en raison d'une camaraderie et d'une citoyenneté, d'une concitoyenneté au sens de la cité aussi ancienne que tenace, il reconnaît comme tout chercheur plus soucieux de comprendre que de défendre des thèses, que l'expérience a approfondi sa propre réflexion, qu'elle doit constituer la source ultime des apports originaux, fut-ce au dépit des théories les plus partagées. C'est pour cela qu'il s'est attelé à la tache d'exercer son esprit critique sur les notions de développement et de son sous-développement. Mais quand nous analysons l'approfondissement qu'il a entrepris, nous trouvons, outre des rectifications de détail, l'explication et les formulations, selon les cas, les plus fines ou les plus rigoureuses, la prise de conscience de l'héritage culturel et éthique dans l'analyse de la problématique du développement. Le chapitre UN de son opuscule sur «développement et facteurs non économiques»: pour une rénovation radicale de la démarche globale de l'analyse. En lisant le chapitre ainsi que la suite entière qui le prolonge, on se rend compte qu'il avait en vue, bien plus que son titre ne pouvait dire, la rénovation de l'analyse économique par une démarche globale, autrement dit, l'identification du problème du développement liée à la question de la culture comme il l'a montré dan une contribution que nous lui avions demandé à l‘UNESCO et qui a été publiée par la revue «Cultures». Je ne vaudrais pas du tout être long dans cette évocation, surtout que les aspects savants de la pensée de Belal ont été évoqués avec le bien plus de compétence que je ne pourrais le faire. Mais je voudrais dire combien connaitre une telle œuvre dans sa dynamique, dans son ouverture et dans ses soucis les plus intimes, est pour nous incontestablement une nécessité intérieure, mais saisie au point où elle fut conduite, au problème d'articulation des approches et des réalités multiples, nous indique au moment où la vie des hommes erre et flotte entre tout et que les spoliations les plus injustes prétendent consumer des peuples entiers, que les aspirations ressuscitent toujours, que l'effort de pensée est aussi un éveil, assurément le meilleur pressentiment de temps meilleurs.