Services publics défaillants et sous-financés, chômage et précarité au travail, discriminations envers les femmes, système fiscal injuste… La liste des maux dont souffrent les Marocains, dressée par Oxfam dans un nouveau rapport, est sans fin. Elle met en lumière la panne de l'ascenseur social qui sévit au Maroc et creuse le fossé entre les plus riches et les plus pauvres. Les failles du système fiscal sont, en partie, à l'origine de cette situation. Oxfam rappelle notamment que 82% des recettes de l'IS proviennent de la performance de seulement 2% des entreprises. Les manœuvres ne manquent pas pour échapper à cet impôt. Pour y échapper, 60% des entreprises marocaines se déclarent déficitaires, sachant 8% en sont exonérées. En gros, le système profiterait aux riches plutôt qu'aux pauvres. L'IR accentue notamment ces inégalités. En effet, son assiette est particulièrement étroite, puisque les revenus les plus hauts contribuent moins à cause de la non progressivité et de son plafonnement, déplore Oxfam. Sans oublier que de nombreux contribuables potentiels, principalement dans le secteur informel y échappent, à savoir les commerçants, entrepreneurs, agriculteurs et professions libérales qui évoluent dans l'informel ou l'opacité en raison d'un manque de contrôle, laissant reposer les trois quarts des recettes sur les salariés du public et du privé. Lorsque l'on sait que 80% des travailleurs du privé évoluent dans l'informel, on imagine aisément la part prépondérante des fonctionnaires dans les recettes de l'impôt sur le revenu. Au total, moins d'un actif rémunéré sur quatre paie l'impôt sur le revenu. Oxfam revient aussi sur la TVA qui représente 30% des recettes fiscales. L'organisation internationale affirme que cet impôt est fortement inégalitaire car, bien que les plus riches y contribuent en termes absolus, la part de cet impôt dans le budget des plus pauvres est bien plus importante. Par ailleurs, Oxfam considère que l'inégalité créée par la TVA vient aussi du fait qu'elle ne s'applique pas à de nombreux secteurs de l'activité économique, soit parce que ceux-ci ont été exemptés soit parce qu'ils relèvent principalement du secteur informel, contribuant fortement à réduire l'assiette de cet impôt. Derrière ces inégalités, se cachent des choix politiques et économiques que le débat sur le nouveau modèle de développement doit prendre en considération. Le rapport d'Oxfam s'inscrit dans cette optique. Dans son rapport, cette organisation livre quelques propositions de réforme du système fiscal. Il s'agit notamment de la nécessité d'introduire de nouvelles tranches pour l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu, afin de faire contribuer davantage les contribuables plus aisés et d'alléger la pression fiscale qui pèse sur certains contribuables. Dans le même temps, il est nécessaire d'élargir l'assiette sur laquelle repose l'impôt, en supprimant les nombreuses exemptions actuelles et en intégrant de nombreux pans de l'économie ou professions au sein du champ fiscal. Oxfam vise surtout les exemptions dont profitent les secteurs de l'agriculture et de l'immobilier. Celles dont profitent les entreprises étrangères ne sont pas en restent. Ces initiations doivent être revues surtout quand il n'existe pas de retour social, insiste-t-on. Pour Oxfam, la volonté d'industrialiser le pays ne peut se faire à un coût aussi élevé, sur la base d'une taxation aussi faible des profits. Oxfam prône également la taxation progressive sur le patrimoine afin de réduire les inégalités intergénérationnelles, y compris sur des questions concernant l'égalité de genre telles que l'héritage. Parallèlement, il faudra améliorer le système de remboursement de la TVA. Oxfam estime que les retards importants de l'administration fiscale ont entraîné des difficultés de trésorerie pour de nombreuses entreprises. Cela a eu pour conséquence de décourager les entreprises à intégrer le champ formel de déclaration, de freiner les embauches et de perturber le fonctionnement de leur activité. A elle seule, la seule fiscalité ne saurait suffire à réduire durablement les écarts. D'où l'appel à développer un plan national contre les inégalités avec un objectif ambitieux et quantifié de réduction des inégalités à l'horizon 2030 dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD).