Il faudrait du génie pour être artiste, pour faire de la musique, pour poétiser la vie des humains dans un monde sourd et aveugle. Pourtant, on naît parfois artiste, et on le devient. Telle l'histoire impressionnante, savoureuse de Touria Hadraoui, littérairement tissée dans son récit autobiographique «en quête d'une voix» paru à la maison d'édition Virgule Editions, basée sur la ville du Détroit, Tanger. C'est plus qu'un récit, c'est une vie consacrée et dédiée à la musique, au chant, à la poésie. Touria nous ouvre, par son écriture fluide et fine, une fenêtre sur son jardin secret où la voix, les voix transcendent le chant, font plaisir aux oreilles sensibles et irriguent les âmes assoiffées à la parole sincère, douce et à la magie du rythme. Au fil des pages, on découvert ce personnage unique, cette voix littéraire et musicale singulière. En effet, ses commencements dans le chant sont beaux. Et la quête d'une voix venait de nulle part a été entamée dans la nature, dans le chant majestueux des oiseaux, dans les tréfonds du soi-même. «En fredonnant une chanson, j'entendis une belle voix de moi !», écrivait l'auteure. Rien ne peut remplacer ce premier amour… ce premier chant dédié par Touria à deux amants, à deux amoureux qui n'ont rien que l'amour. Petite, elle se cachait pour chanter, pour entendre sa voix sortant de ses tripes, pour libérer cette envie ardente ensommeillée au fond d'elle. «Je cachais derrière une colline ou un grand arbre et je laissais libre cours à ma voix.», p.12. C'est peut être que dans cette solitude et cet exil extérieur qu'une lumière et une voix éblouissante surgissaient. Avec le temps, ce talent devient une voie pour explorer d'autres territoires plus cléments et lumineux. Ipso facto, la musique dans ce récit autobiographique, il faut le rappeler, était le petit jardin secret de Touria où elle s'évade, se libère volontairement. C'est à travers cette voix qui l'habite qu'on découvert l'esprit de toute une époque où tout avait bien entendu un goût. La musique est omniprésente dans le texte. Et la voix de l'auteure, celle de la chanteuse, se confondent avec les mots dans ce récit soigneusement guidé jusqu'au bout. Dans chaque phrase, Touria, à travers ce «je», partage avec le lecteur ses premières découvertes musicales, ces images de belles femmes qui ont une belle allure, une grâce, un charisme et une beauté… ces femmes fascinées et habitées par la musique. A titre d'exemple, Izza. Un des personnages qui ont marqué la mémoire de l'auteure et qui mérite à lui seul un roman. Les images lui reviennent à la mémoire. L'auteure au long du récit nous parle de toutes ces voix qui ont meublé sa vie et éclairé ses nuits, entre autres sa grand-mère, chikhât, Laila Mourad ou encore la voix inclassable de la diva, Oum Kalthoum. «J'ai toujours été bercée par les chants des femmes.je restais accrochée à leurs lèvres. Mais, j'ai commencé à apprendre avec les chansons de la radio et de la télévision», dit-elle dans la page18. Enseignante, puis journaliste, l'auteure était à la fois en quête de soi, d'un sens à son existence, mais aussi en quête d'une voix, une voie qui mènent à ses rêves, ses envies et ses aspirations. Sa voix trouve ainsi échos dans les mots et le chant… Mais, attention, elle ne voulait que chanter et libérer cet oiseau qui se cache dans sa voix. «Un compositeur m'avait promis des compositions faites spécialement pour Oum Kalthoum ! Un musicien me proposa de l'accompagner dans un pays du golfe, pour «amasser beaucoup d'argent». Je ne voulais pas amasser de l'argent. Je voulais juste chanter», lit-on dans la page 78. Chanter… ne se limite pas ici à une simple une envie, mais la dépasse pour devenir une raison de vivre. «Ma voix était l'intuition qui me guidait. Je l'entendais dire : il ne peut y avoir de chant sans une intégrité personnelle et une dignité humaine». p.78. Le périple dans le récit continue durant les années d'études universitaires de l'auteure à Rabat, son militantisme, ses révoltes, son premier album… et le malhoun qui est devenu par elle «tout sa vie». «Quand on chante le malhoun, on entre dans la sphère de la lumière!», p.196. Au final, que choisir alors entre l'être et le paraître? Entre les lumières factices de la scène et la voix céleste de l'âme? Il faudrait lire le récit de la première voix féminine du malhoun marocain pour en savoir plus…