En ce mois de piété et de recueillement, nombre d'actions caritatives ornent les milieux démunis. Les tentes caïdales fleurissent dans les quartiers, meublées d'aliments où trône la harira entourée de dattes, de figues sèches… De même encore, des paniers bien garnis de produits alimentaires de base jalonnent les foyers déshérités et des sous à l'adresses des aumôniers de toutes parts, sont versés en mains propres ou dans les tirelires, un peu partout…Des activités diverses dans ce sens qui traduisent l'esprit de solidarité dont ne cesse de faire preuve la société marocaine, tous natures confondues. A l'échelle de l'Etat, cette campagne traditionnelle du Ramadan se poursuit, à travers les organismes spécifiques à ces œuvres. Certes, ces gestes de haute teneur humaniste répondent à un besoin ponctuel dont la durée est bien limitée dans le temps. Ils atténuent, en fait, les affres de la vie cruelle au quotidien des larges couches du pays, aussi bien dans l'urbain que le rural. On y cherche beaucoup plus la bénédiction divine que la promotion sociale des pauvres. Toutefois, comme disait le célèbre adage japonais à cet égard : « Ce n'est pas avec un éventail qu'on peut dissiper les brouillards ! », la panacée durable contre la misère de la majeure partie du peuple réside dans la mise en avant effective des politiques publiques, jusqu'ici défaillantes et peu réactives aux droits les plus élémentaires en direction des populations défavorisées, en particulier le phénomène humiliant de la pauvreté. On ne saurait alors éluder ces problématiques de fond par des tentes et des paniers, il est vrai à caractère momentanément sédatif, mais combien attentatoires à la dignité des citoyens. Cette approche à la fois pieuse et piteuse qui ne fait que ressortir la partie saillante de l'iceberg, ne peut indéfiniment dissimuler le mal profond que porte dans le tréfonds le pauvre, sous toutes ses formes tant matérielles que morales. Qu'on le veuille ou pas, la pauvreté, indicateur déterminant du sous-développement, tire notre pays vers le bas, en dépit des saupoudrages mesquins dont on tente de badigeonner les façades. Avec le même canular qu'on essaie de tromper la misère du corps marocain par la charité, on le fait également au niveau de l'esprit par la médiocrité. Durant toutes les soirées ramadanesques, on ne fait que marteler l'intelligence des compatriotes par de piètres prestations télévisuelles. Aucun souci de recherche créative ni préoccupation de relèvement d'esprit d'analyse et de critique, n'est à l'actif des décideurs de la programmation des chaînes de télévision, à des heures de pointe. Une platitude prestataire des plus déplorables, au moment où le champ créatif regorge de jeunes talents dont les accès au public sont quasiment cadenassés. On ne comprend pas pourquoi ces responsables s'entêtent à matraquer les citoyens par des « navets » aussi lamentables, avec de vieilles « carcasses » consommées et rejetées. Sans pitié ni vergogne, on présente des produits vides d'objet et d'objectif. Il est bien vrai que dans ce tas très bas, une flamme ou deux peut toujours émerger du lot, comme c'est le cas, cette année, de la série « souhlifa », à titre d'exemple. C'est dire combien la pauvreté du « ventre » et de la « cervelle » s'obstine à côtoyer le peuple modeste!